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AVENTURE - Dormir à la belle étoile dans la forêt ? Dis comme ça, ça envoie du rêve. Mais une fois sur place, c'est une toute autre histoire…

Petite, j'avais l'habitude de passer mes week-ends et mes vacances à la campagne chez ma grand-mère. Et quand je dis campagne, je ne parle pas d'un petit village qui a quand même sa boulangerie et son bureau de poste. Je parle de LA campagne. La maison de ma grand-mère n'a pas d'adresse, pas de nom de rue, ni de numéro. En même temps, c'est la seule qui se trouve sur le chemin.

Lorsque l'on tourne la tête à droite, on voit des champs à perte de vue, cultivés par la même famille depuis toujours. La tête à gauche, c'est le bois que ma famille possède aussi depuis toujours. Pas de voiture, personne pour nous embêter, alors les parents nous laissaient partir à l'aventure, mon cousin Valentin et moi, quand nous étions gamins. Cabanes dans les arbres, affûts pour espionner les oiseaux, cueillettes de mûres sauvages… Sans le dire à voix haute, nous étions les rois de la forêt. 

Plus le temps passait, et plus nos excursions duraient longtemps. Jusqu'au jour, où, une fois devenus adultes, nous avons décidé de passer la nuit dans les bois. Vous l'aurez compris, habituée aux grands espaces dépourvus de présence humaine, je pensais être assez téméraire pour dormir dans la forêt. J'avais tort.

Les règles pour passer une bonne nuit en bivouac

Passionné par cet univers magique qu'est la forêt, mon cousin est de son côté devenu beaucoup plus expert que moi dans ce domaine : bénévole à la Ligue de Protection des Oiseaux, guide de haute montage puis agent de la police de l'environnement… Autant vous dire que tous ses conseils, je les ai suivis à la lettre durant cette excursion.

Valentin me recommande tout d'abord de prendre des habits chauds. Quitte à avoir plusieurs couches sur soi, on pourra toujours les enlever si le soleil tape trop fort. Les nuits peuvent être assez fraîches en forêt, même en été ! Bon à savoir : si on part toute la journée en randonnée, la paire de chaussettes et le pantalon propre en plus dans le sac, ça fait la différence pour passer une bonne nuit. 

A moins d'être un-e expert-e en survie capable de reconnaître une fougère comestible d'une fougère toxique capable de vous empoisonner, il faut prévoir de quoi grignoter (barres de céréales, graines) et des plats faciles à transporter et à manger dehors. “On peut très bien se régaler en forêt ! Si on est motivé, avec un petit réchaud, on peut même se faire cuire des pâtes !”, m'avait dit mon cousin.

Photos prises lors d'un bivouac en forêt © Valentin Girod

Les gestes citoyen à adopter en forêt

Même s'il n'y a pas vraiment de loi interdisant le bivouac, il y a des droits de propriété à respecter. Même en forêt, on est toujours chez quelqu'un, soit chez un particulier, soit dans une commune. On peut même se retrouver dans une zone militaire ou une réserve protégée sans le savoir ! Le mieux à faire, c'est de se renseigner auprès de la mairie du village le plus proche.

Généralement, c'est plus un laisser faire de la part des propriétaires, surtout si c'est pour rester une nuit et qu'il n'y a rien de dégradé”, m'assure Valentin. Il m'explique ensuite la règle d'or du bivouac : on installe son équipement une heure avant le coucher du soleil et on l'enlève une heure après son lever.

Concernant le campement, pour le bien de la forêt et de ses habitants, si on est plusieurs, on rassemble les tentes au même endroit, on ne coupe pas d'arbre, pas de musique trop forte, pas de feu, et on ne laisse aucun emballage trainer une fois le camp levé. Question de bonne éducation !

Le chevreuil aboie, la chouette crie et les sangliers reniflent

Une fois la tente montée et le repas fini, l'heure de se coucher a sonné. Seule dans ma tente, car mon cousin a préféré le hamac, j'étais plutôt bien installée. Jusqu'ici, tout allait bien. Pas d'appréhension, j'étais dans mon petit cocon, en plein milieu de cette forêt que je connaissais comme ma poche.

Il ne faut pas avoir peur. Juste ce qui peut être un peu flippant, c'est le bruit des animaux”, me dit mon cousin avant de sombrer et me laisser seule, les yeux grand ouverts. Emmitouflée dans mon sac de couchage, une histoire me revient en tête tout à coup. La gloire de mon père, un livre de Marcel Pagnol que j'avais lu à l'école. L'oncle du protagoniste raconte en détail la mort d'un chasseur, éventré par un sanglier. Mauvais timing pour repenser à ce genre d'histoire. Surtout quand des branches n'arrêtent pas de craquer autour de moi.

À cause de l'activité humaine, la plupart des animaux s'activent la nuit pour éviter d'être dérangés. Saviez-vous que le chevreuil aboie ? Que la chouette effraie crie comme la dame blanche dans les films d'horreur et que les blaireaux et sangliers se déplacent en reniflant très fort ? Je l'ai découvert aussi. Pas étonnant que je sois restée éveillée toute la nuit. Pour tout vous dire, j'ai même pensé à abandonner mon cousin en pleine nuit et rentrer dormir chez ma grand-mère. Mais ne voulant pas montrer ma faiblesse, j'ai tenu bon !

Photo prise lors d'un bivouac en forêt © Valentin Girod

Dans l'inconscient collectif, la forêt est un lieu pour les animaux, pas pour l'homme

Un doute m'étreint : suis-je devenue trop peureuse ? “Non, c'est tout à fait normal, m'explique le psychothérapeute Rodolphe Oppenheimer. La nuit notre taux de cortisol est au plus bas, on est en hypoglycémie, ce qui nous rend sensible au stress. Si notre corps n'est déjà pas au maximum de ses capacités, et qu'on se trouve dans un endroit qui fait travailler l'imaginaire, cela fera forcément un cocktail assez détonnant !

Il poursuit : “L'homme ne vit pas selon des réalités scientifiques mais selon des pensées erronées. Il va vivre en fonction de ce qu'il pense et non sur ce qui est la réalité”. Depuis qu'on est enfant, on entend parler des contes comme le Petit Chaperon Rouge, Hansel et Gretel ou les Trois Petits Cochons, et la plupart des films d'horreur se passent en forêt... Pas étonnant si j'ai eu peur de croiser quelqu'un de malintentionné.

De plus, contrairement à la ville qui est une structure que tout le monde reconnaît, dans un bois, il n'y a pas de repères et les arbres se ressemblent tous. “Dans l'inconscient collectif, c'est un lieu pour les animaux, pas pour nous. Donc y dormir c'est quelque part une forme de transgression à la règle que nous nous imposons nous-même dans notre inconscient”, affirme le psychothérapeute.

Le lendemain matin, j'ai fait part de mes angoisses à mon cousin. Il me rassure : “On ne risque rien en France. Les animaux s'approchent rarement de ce qu'ils ne connaissent pas, et s'ils se sentent menacés, ils prennent la plupart du temps la fuite ! Il faut avoir conscience que l'on est en train de déranger leur habitat”, me dit-il. J'ai bien compris, à mes dépens, qu'on peut les entendre faire "un peu" de remue-ménage et même les apercevoir. Pas d'inquiétude, ce qui ne serait pas normal, c'est de ne rien entendre du tout.

Photo prise lors d'un bivouac © Valentin Girod

Si vous aussi vous aimeriez vivre cette expérience, passez au-dessus de vos craintes, et essayez au contraire d'être attentif-ve à tout ce qui vous entoure !