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PROSPECTIVE - Matali Crasset, designer, nous expose sa vision de la vie et de la maison en 2050. Le mot-clé : modularité.

C'est dans son atelier, bien caché derrière une cour verdoyante du 20ème arrondissement de Paris que Matali Crasset reçoit. De ses lunettes à la monture imposante posées délicatement sur son nez, à sa coiffure aux airs de Jeanne d'Arc, tout chez cette designer semble pensé avec minutie. Après des études à l‘ENSCI (école nationale supérieure de création industrielle), Matali Crasset débute aux côtés du renommé Philippe Starck dans les années 1990. En 1998, elle monte sa propre entreprise. Après des débuts plutôt confidentiels, elle se fera connaître du grand public grâce à sa colonne d'hospitalité nommée Quand Jim monte à Paris qui en se dépliant, se transforme en lit avec réveil et lampe de chevet intégrés.

Réactiver le vivre ensemble 

La designer a choisi de développer son travail autour de la modularité et de penser davantage au système qu' à l'objet en lui même. La maison de 2050 sera surtout un moyen de réactiver le vivre ensemble et de renouer avec l'activité. “Il faut casser les codes de l'organisation de l'espace intérieur, car il a une forte influence sur la capacité de chacun à entrer en contact ou non avec son environnement.”

Cela implique de donner une grande place à la mobilité, “il faut ouvrir les espaces. Leur donner une perméabilité entre l'intérieur et l'extérieur. On pourrait arrêter de construire des murs par exemple” lance la designer après avoir réfléchi quelques instants à ce futur, finalement pas si lointain. “Tout l'inverse de ce qu'on nous communique avec la maison cocon surprotectrice, qui nous empêche de voir l'extérieur, et d'interagir avec nos voisins. Ce qui a pour conséquence de commencer à nous faire douter des autres.

S'il n'y a plus de murs dans nos intérieurs, comment séparer les espaces ? Les bibliothèques, les plantes prennent le relais. Elle deviennent une sorte de cloison évolutive, modulable, qui permer de créer quelques zones d'intimité.

© Arthur Poitevin

De nouvelles énergies

L'écologie aura davantage sa place dans la maison 2050. “Il faut revendiquer le mélange entre le naturel et l'artificiel. Cesser de considérer que l'écologie est une couche que l'on vient rajouter par-dessus le reste. C'est une façon de vivre, une aptitude à voir la vie qui ne peut pas être dissociable d'autres comportements. Il doit s'y intégrer, sans que l'on ait besoin d'y réfléchir.

Matali Crasset imagine également de nouvelles sources d'énergie, avec, encore une fois, l'inversion des modes actuels. “Aujourd'hui, nous utilisons l'énergie pour notre confort mais dans le futur, on peut imaginer l'inverse. Nous récupérerons la chaleur de notre corps grâce de nouvelles fibres. Sans vouloir la transporter ni la stocker trop longtemps. L'énergie servira simplement à faire fonctionner un réveil matin ou allumer une lampe pour ceux qui souhaitent lire le soir. Et cela permettra aussi aux gens de s'engager sur les questions d'énergie ou d'écologie, aujourd'hui délaissées du plus grand nombre.” L'écologie s'intégrera donc dans nos quotidiens et nos intérieurs. Tant au niveau de la décoration que de l'aménagement.

Des espaces modulables

Point de robot ou de domotique dans la maison 2050 de Matali Crasset. Mais des espaces modulables au gré des envies et usages de leurs propriétaires. “Les structures pourront évoluer. Un espace le matin pourra être différent le soir venu. Cela permettra de varier les différents espaces d'activité." 

Avec l'augmentation des voyages et de la mobilité, la designer imagine également que chacun pourra avoir plusieurs pied-à-terre et y partager son temps. Ces espaces de vie seront pensés avec des niveaux d'implication différents : 

  • Ceux où l'on ne sera que de passage. Pour le travail par exemple.
  • Puis, d'autres où l'on sera acteur. Ce seront des espaces de vie où nous seront en interaction avec les voisins ou notre quartier.
  • Enfin ceux où nous serons engagés, qui porteront en eux une trace de notre passé et que l'on pourra envisager comme un refuge.

Chacun de ces espaces auront une structure, une organisation différente. “Les choses qui nous caractérise le plus seront à l'intérieur du troisième espace, celui où l'on s'engage. Il sera alors considéré comme un endroit où l'on se remémore les différentes étapes de sa vie. La maison devient mémoire et montre les choix que l'on a fait dans sa vie. Cela peut passer par des photos, des livres...” A l'inverse, la structure où l'on est juste “en présence”, serait “un espace dénué de stimuli, duquel l'on attend rien.” résume Matali Crasset.

Modularité et ouverture seront donc pour Matali Crasset, les mots clés de cet horizon 2050.

© Arthur Poitevin