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AGRICULTURE - Pour consommer des fruits et légumes locaux, les villes investissent dans l'agriculture urbaine. Mais ont-elles assez de place pour nourrir tout le monde ?

En 2022, la plus “grande ferme urbaine sur toit d'Europe” ouvrira ses portes à Paris, au dessus du Parc des Expositions. Des fruits et des légumes pousseront sur 14 000 m2 de toit. Cela devrait permettre d'en produire une tonne par jour. Est-ce bien suffisant pour nourrir la population parisienne ? 

Après calcul, le résultat est un peu décevant. Un-e Français-e consomme en moyenne 350 grammes de fruits et légumes par jour. Cette ferme urbaine pourrait donc seulement nourrir 2857 Parisien-nes chaque jour, alors que capitale compte entre ses murs plus de deux millions d'âmes. 

Pourtant, les villes mettent depuis quelques années l'agriculture urbaine au coeur de leur politique. Cette stratégie, qui vise à diminuer les émissions de CO2 liés à l'alimentation et à améliorer la qualité de la nourriture consommée, rencontre aujourd'hui un grand succès. 

Mais à quoi sert-elle vraiment ? À terme, peut-on imaginer que les villes produisent suffisamment de fruits et légumes pour nourrir l'ensemble de leurs habitants ? Les grands centres urbains peuvent-ils devenir autosuffisants en nourriture ?  

À Paris, plus de 30 hectares d'espaces d'agriculture urbaine 

Pour trouver des éléments de réponses, direction le Salon de l'agriculture à Paris, au Parc des Expositions. Le fameux bâtiment au-dessus duquel s'étendra la grande ferme urbaine d'ici deux ans. Tout un symbole. 

Pas question d'aller saluer les vaches et cochons, c'est au stand de la mairie de Paris que nous nous rendons, dans le Hall n°4. Quand on pense Salon de l'agriculture, on s'imagine goûter saucisson et vin rouge plutôt que visiter un stand institutionnel. Pour attirer les visiteurs, la mairie propose des animations et ateliers : “dessine moi ta ville idéale” à 15h ou “activité semi potagers” en fin de journée. 

La ville, qui compte près de trente hectares d'espaces d'agriculture urbaine, semble motivée à l'idée de produire ses propres denrées alimentaires. Le concept n'a rien de nouveau puisque, comme le rappelle Gilles Fumey, géographe de l'alimentation à Libération, “en 1800 Paris était autosuffisant”. Le bassin de la Seine couvrait alors la majorité des besoins alimentaires des 700 000 habitants. Parviendra-t-on à faire de même dans un futur proche ? 

Des besoins alimentaires trop importants et des surfaces trop limitées 

Pour le professeur Gilles Trystram, Directeur Général d'Agro Paris Tech, la réponse est non. “L'autarcie alimentaire est un mythe. Ça n'a jamais existé. Paris avait la Seine, donc on parle d'autosuffisance à partir du moment où tout arrive dans les ports”, souligne-t-il. Selon le professeur, si aujourd'hui la surface agricole de la région Ile-de-France peut fournir assez de blé à tous ses habitants, il n'en est pas de même du côté de l'autosuffisance en nutriments :  “ce n'est pas en me nourrissant que de blé que je vais avoir toutes les vitamines nécessaires.” Le volume de nourriture consommée par les citadins est trop important par rapport à la surface disponible. 

Dans une note de février 2017, l'Agence Parisienne d'Urbanisme (APUR) confirme : “il faudrait mettre en culture 11 000 hectares pour assurer l'autosuffisance en fruits et légumes frais de la population parisienne et 5 000 hectares supplémentaires pour les salariés non-résidents, ce qui reviendrait à cultiver 1,5 fois la surface de Paris.” Impossible donc. 

Alors certes, certaines communes de petites tailles se rapprochent petit à petit du rêve de l'autosuffisance alimentaire. C'est le cas de Langouët, en Ile-et-Vilaine, qui vise une autarcie en fruits et légumes grâce à la permaculture. Avantage de Langouët sur Paris : le village breton comprend 600 habitants. 

© Agricool

À la place de l'autosuffisance, privilégier la proximité 

Si l'autosuffisance est impossible au niveau d'un grand centre urbain, à quoi sert l'agriculture urbaine ? Le mot clé, c'est “la proximité”, nous rappelle Gilles Trystram. 

Un constat que partage Aurore de Longvilliers, responsable du pôle animation de La Sauge, association qui fait la promotion de l'agriculture urbaine. “On ne souhaite pas l'autosuffisance, on veut se reconnecter avec le monde rural, pousser les gens à réfléchir sur leur propre consommation car ils sont déconnectés”, souligne-t-elle. Lors des ateliers que l'association organise sur sa ferme urbaine de Bobigny en Seine-Saint-Denis, il n'est pas rare d'entendre des enfants dire que “les tomates poussent dans les supermarchés”, explique Aurore de Longvilliers. 

Consommer local et reconnecter les citadins avec ce qu'ils mangent, c'est le cœur de la démarche de la start-up Agricool, qui produit des fraises et salades dans les containers de sa ferme urbaine de la Courneuve. Dans un circuit classique, “entre le moment où le fruit est récolté et celui où il arrive dans votre assiette, il peut parcourir jusqu'à 1000 km. Pendant temps de transport il perd des qualités nutritives et gustatives”, assure Cyrielle François, responsable des opérations d'Agricool, depuis son stand du Salon de l'agriculture. Le but de la start-up n'est pas de concurrencer les agriculteurs mais “la fraise qui vient d'Espagne”, répond-elle. 

Alors si vous n'avez pas de potager et que vous souhaitez vous passer des supermarchés, pourquoi ne pas commencer à cultiver des légumes sur votre balcon