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TOUT PART À VÉLO - Elles se surnomment "Les déraillées", deux jeunes filles parties à l'aventure pour découvrir les modes de vie écolo et alternatifs.

L'an dernier, Léa et Julie prenaient leur vélo dans Paris pour se déplacer entre deux quartiers. Désormais, elles l'utilisent pour sauter de pays en pays ! De la Croatie à la Grèce, d'où elles nous ont livré leurs confidences, en passant par l'Albanie et le Monténégro, elles parcourent 60 km chaque jour et roulent d'expérience en expérience, de bivouac en bivouac. C'est en avion qu'elles sont arrivées en Croatie, Covid oblige, mais elles ont tout de suite voulu compenser ce bilan carbone en plantant des dizaines d'arbres dans une ferme, c'est dire leur dévouement pour la planète !

Sportives, mais pas forcément routardes invétérées, les deux jeunes filles ont eu le déclic avec la pandémie et la crise sanitaire, qui ont accentué leur prise de conscience écolo. Le but du voyage ? En prendre plein les mirettes, bien sûr, mais surtout découvrir 8 éco-lieux à travers l'Europe, qu'elles ont préalablement sélectionnés sur le site de Global Ecovillage Network (GEN) et consultés par téléphone.

Nous avons voulu en savoir un peu plus sur leurs motivations, leur voyage et l'éco-lieu qu'elles visitent actuellement. Il s'agit de Re-green, une petite communauté d'une dizaine de personnes dans les montagnes du Péloponnèse en Grèce. Ici, tout se conjugue au préfixe "re", on veut "reverdir" le monde, recycler et réduire les déchets, repenser l'action des sociétés, réécrire les règles, réinventer la vie. Un concept qui a beaucoup plu à Julie et Léa.

Léa et Julie plantent des arbres pour compenser le bilan carbone de leur trajet en avion © Les Déraillées du vélo
La ferme écolo qui les a accueillies en Croatie © Les Déraillées du vélo

Quelles alternatives possibles pour surmonter l'éco-anxiété ?

18h39 : Avant de parler de Re-green, est-ce que vous pouvez nous dire ce qui a motivé votre projet de départ ?
Julie : On avait une appétence pour le voyage toutes les deux, et on a développé notre conscience écologique au cours de ces dernières années. A travers mon diplôme en communication RSE [Responsabilité sociétale des entreprises, ndlr], j'ai déjà pu faire diverses expériences qui m'ont mené vers ce voyage. Le but, c'est de voir comment on peut construire un nouveau mode de vie en communauté pour surmonter la crise du Covid, même si dans mon parcours personnel, il est un peu trop tôt pour faire partie d'un écovillage.

Léa : J'aimerais rebondir sur la tournure anxiogène qu'a pris notre vie récemment, avec l'angoisse sanitaire qui s'est ajoutée à l'éco-anxiété face à la crise écologique. L'idée, c'est de se demander quelles sont les alternatives qui existent et qui marchent ? On voulait arrêter de regarder des docus, de lire des livres, et voir directement sur place.

On a voulu être en phase avec nos convictions, voyager avec le maximum d'autonomie, réduire notre impact sur la planète. On est autonomes en énergie, on a notre propre panneau solaire, on consomme local et nous sommes végétariennes toutes les deux. Le vélo, ça oblige à être minimalistes aussi !

18h39 : Comment avez-vous préparé le voyage ? Vous étiez déjà rompues à l'exercice ?
Julie : C'était totalement nouveau pour nous deux ! Je faisais déjà du vélo, mais pas de grands voyages, alors on s'est entrainées cet été.

Léa : Le vélo, ça s'imposait comme une évidence. C'est un beau moyen de transport, c'est peu onéreux, on peut faire de longues distances contrairement à la rando. Après, on a juste notre trousse d'outils sur nous.

Julie : On est débrouillardes, assez sportives, j'ai toujours fait du sport. Je me suis un peu entraînée, j'ai fait de la course à pied, du fractionné toutes les semaines, et en réalité notre corps s'habitue vite une fois que c'est parti. On veut surtout montrer que c'est à la portée de tous, parce qu'on a un bon rythme, 60 km par jour, ce qui représente ici 5h de vélo, mais on a rencontré des familles avec des enfants de 8 ans qui faisaient 40 km par jour.

Léa : De toute façon, on a beau anticiper les galères, il y a toujours des surprises. Ça fait partie de l'expérience, on veut voir jusqu'où va aller notre résilience. Même si c'est pas rigolo sur le moment, les petits imprévus restent nos meilleurs souvenirs !

Re-green, un éco-lieu qui se définit comme un "voisinage collaboratif"

18h39 : Vous pouvez nous dire un mot sur Re-Green, l'éco-lieu où vous passez actuellement quelques jours ?
Léa : Ici, ils ont un système avec des lieux communs et partagés, et ça nous intéresse de voir comment s'organise cette vie en communauté, mais aussi le fait de ne presque plus avoir d'échanges financiers. Ils font beaucoup de troc et consomment des produits locaux. C'est intéressant car les résidents permanents ont des profils très différents, on veut savoir comment cette mixité fonctionne aussi bien.

Julie : Deux couples ont construit le lieu à l'origine, ça leur appartient. Ils ne se considèrent d'ailleurs pas comme une communauté, mais comme un voisinage collaboratif. Ensuite, il y a des personnes qui se greffent et vivent à côté, c'est un village de 15 habitants, qui s'est mis presque entièrement à la permaculture. D'anciens volontaires de l'éco-lieu sont revenus habiter le village et faire leur bière, leur fromage, etc. Il y a en effet des volontaires permanents et des éphémères, qui viennent ici un mois pour la pleine saison durant l'été, ils ont besoin de monde pour le jardin. Ils organisent aussi des séminaires à cette saison, qui sont leur principale source de revenus économiques.

18h39 : Comment les gens sont-ils logés sur place ?
Julie : Certains participants, comme la prof de yoga, habitent leur propre maison juste à côté. Sinon, les résidents permanents proposent une guest house spécialement pour les volontaires, c'est un gîte assez classique, mais dans l'éco-lieu il y a aussi des bâtiments construits par les deux couples, comme la "maloca" utilisée pour les séminaires, un bâtiment rond et traditionnel des indiens d'Amazonie.

Léa : C'est un bâtiment construit avec les matériaux du coin, de la terre, de la paille, de la pierre, du sable... Ils ont aussi construit de manière écolo une maison entière pour une amie et en échange, ils utilisent son jardin et elle les aide.

Un bivouac sauvage © Les Déraillées du vélo

De l'importance du PFH, le putain de facteur humain

18h39 : Vous retenez quoi de votre séjour ?
Léa : Je retiens la bienveillance totale des gens, une vraie tolérance les uns pour les autres.

Julie : Ce qui est crucial pour ce type de lieu à taille humaine, c'est ce qu'on appelle le PFH, le putain de facteur humain, c'est ça qui peut faire capoter un écovillage, une communauté. A Re-green, ils sont seulement une dizaine, mais quand il y a plus de monde, ça demande de l'organisation pour éviter les engueulades ! Ici, j'aime que chacun ait aussi son propre espace, même si on partage les repas et beaucoup d'endroits différents, comme les jardins. Ils possèdent un hectare réparti en dix jardins, c'est un gros travail. Et ils sont super humbles.

18h39 : On sait à quel point les femmes peuvent être harcelées dans l'espace public en ville. Est-ce qu'il faut redoubler de prudence quand on voyage à l'étranger et qu'on est deux jeunes femmes seules ?
Julie : Je ne trouve pas. Bien sûr que ça peut faire peur à certaines, mais en réalité, sur le terrain, les gens ont été très gentils avec nous. Au contraire même, ils nous ont souvent aidées.

Léa : Exactement, les gens peuvent s'imaginer qu'on est plus fragiles, ou bien qu'on ne sait pas changer une chambre à air parce qu'on est une fille, alors ils vont naturellement vouloir nous donner un coup de main. En réalité, on y arrive tout aussi bien, et on veut montrer qu'il n'y a aucun souci à voyager seule en vélo quand on est une femme !