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ARCHI BRUT -  Le LaM, le musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut de Lille Métropole, cartographie les sites d'habitants paysagistes, de la Belgique jusqu'à la Provence. Un tour inédit d'œuvres fragiles, à protéger.

Leur nom ne vous dirait sans doute rien, certains sont d'ailleurs retombés dans l'anonymat le plus complet. Et pourtant, ces artistes du quotidien ont créé durant les années 50, 60 et 70 des maisons considérées aujourd'hui comme des oeuvres d'art, fabriquées à partir de déchets, de souvenirs, de récup' en tout genre, puis peintes et décorées avec des objets hétéroclites. Toujours debout, la maison de Robert Vasseur à Louviers est par exemple constituée de coquillages, céramique, mosaïque, et matériaux de récupération.

Ce patrimoine étonnant, longtemps méprisé, retrouve aujourd'hui une forme de contemporanéité, à une époque où l'écologie encourage l'habitat alternatif, zéro déchet et récup'. Situé à Villeneuve-d'Ascq, le LaM a pour objectif de conserver des objets et œuvres d'art provenant de sites d'habitants paysagistes. Baptisé ainsi par l'architecte Bernard Lassus en 1977, le terme “habitants paysagistes” fait référence au travail artistique d'hommes et de femmes qui transformaient leur lieu de vie à l'aide de mosaïques, de coquillages, de sculptures, ou réalisaient des jardins imaginaires autour de leur demeure.

Le Facteur cheval et son palais idéal

À l'origine de ce mouvement à la croisée entre art brut et art naïf, un nom revient, celui de Joseph Ferdinand Cheval. Plus connu sous le nom “Facteur cheval”,  ce célèbre facteur français a passé plus d'une trentaine d'années à imaginer le “Palais idéal” . De 1879 à 1912, Joseph Ferdinand Cheval décide de construire dans son potager, un palais “inspiré par la nature, les cartes postales et les premiers magazines illustrés qu'il distribue.” Admiré par André Breton et Max Ernst, le bâtiment est classé en 1969 Monument Historique par André Malraux.

Partout en France, des artistes-bricoleurs et autodidactes ont imaginé leur propre "Palais idéal" : à Creil dans l'Oise, Marcel Bernier a peint les murs de son pavillon de toutes les couleurs, à Chartres, Isidore, Raymond dit Picassiette décore de 1931 à 1962, l'intérieur et l'extérieur de sa maison à l'aide de céramique, de verre, de mosaïque et de peinture. Sa demeure riche de 4 millions de morceaux de faïence sera classée Monument Historique en 1983 et labellisée "Patrimoine du XXe siècle" en octobre 2016.

"Il y a urgence à sauver" cette mémoire à la fois matérielle et immatérielle

Malgré des labels et l'intérêt des surréalistes pour ces sites d'habitants paysagistes, ces œuvres architecturales ont longtemps été jugées de mauvais goût. Un art pauvre, naïf et excentrique indigne des musées. Le Palais idéal du Facteur cheval ne répond à aucune règle architecturale, la peinture est souvent criarde, les matériaux utilisés sont bruts ou récupérés. Une mauvaise réputation qui a coûté la vie à de nombreux bâtiments, aujourd'hui en ruine, détruits ou rasés.

C'est cette mémoire poétique que le LaM tente de ressusciter, d'abord en présentant en ses murs des vestiges de quelques-uns de ces sites, mais aussi en proposant une carte qui répertorie les sites existants et disparus. “Il y a urgence à sauver – le maintien du site sur place est toujours à privilégier –, à restaurer dans leur matérialité ces réalisations mais aussi urgence à les documenter pour sauvegarder leur mémoire immatérielle. Le lien entre patrimoine physique et patrimoine immatériel apparaît indispensable pour assurer une meilleure représentation des sites d'habitants paysagistes qui font le lien entre art savant et art populaire”, explique le site du LaM. Une manière de conserver ces maisons et jardins uniques et d'inciter à leur conservation.