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PORTRAIT - Jean-François Fourtou crée des maisons plus surprenantes les unes que les autres, comme autant de facettes de sa personnalité.

C'est dans une palmeraie de 10 hectares près de Marrakech, au Maroc, que Jean-François Fourtou a posé ses valises. Ou plutôt ses maisons. Car le terrain, acheté par son père Jean-René Fourtou, regroupe depuis douze ans les oeuvres les plus impressionnantes de l'artiste.

Une maison posée sur le toit reproduit à l'identique, mais à l'envers, l'endroit où ses grands-parents ont vécu leurs dernières années. Une autre bâtisse, celle de son arrière-grand-mère, est là, elle aussi. Sa particularité ? Être déclinée en trois échelles différentes, de la maison de géant à la maison de poupée.

Les souvenirs d'enfance nourrissent le travail du plasticien de 51 ans, connu pour ses maisons démesurées et ses sculptures d'animaux. Sa dernière oeuvre, Merci Louisette est exposée au domaine de Chamarande (Essone), jusqu'au 1er novembre 2015. Des meubles empilés, légués par sa grande-tante, forment une cabane labyrinthique envahie par des abeilles géantes.

Ces abeilles, on les retrouve dans la nouvelle demeure qu'il est en train de construire à ses parents sur sa propriété marocaine. La famille n'est jamais bien loin.

Qu'est-ce que ces maisons nous disent de lui ? L'artiste prend la parole et nous fait découvrir son lieu de vie et de création, en sept touches. Autant de façons de découvrir sa personnalité.

© Jean-François Fourtou

Un détail : le nom de la propriété

"La propriété s'appelle Dar el Sadaka, "la maison de l'amitié" en arabe. J'ai découvert que cela veut dire aussi "la maison de celui qui cherche" en sanskrit. C'est une définition qui me correspond bien. C'est un lieu de recherche personnel, spirituel et artistique."

Une atmosphère : la chambre de grand-père

"Une pièce me touche particulièrement : la chambre où est mort mon grand-père. C'est un endroit chargé d'émotion. J'ai eu besoin de la reproduire dans la maison à l'envers, pour lui rendre hommage. Mais maintenant que je l'ai construite, je n'y vais plus beaucoup."

 Tombée du Ciel, 2010

Tombée du Ciel, 2010 Jean-François Fourtou. © Courtesy Galerie Mitterrand

Une odeur : les meubles de Louisette

"Je pense à l'installation Merci Louisette. Ce qui frappe quand on expérimente cette installation, c'est l'odeur des objets anciens. Un tapis recouvre toute la cabane, il y a plein d'oreillers, de tissus... C'est vraiment une odeur d'enfance, de cocon, l'odeur de toute une vie aussi.

Je me suis rendu compte que tous les visiteurs avaient la sensation de retrouver l'odeur de la maison de leurs propres grands-parents. Ça renvoie à des souvenirs premiers. On se sent totalement en sécurité."

Une texture : le menton de la girafe

"Une girafe est installée en en plein milieu de la salle à manger de la maison principale. Nous l'avons baptisée Solange. On dirait du bois mais en fait c'est un matériau assez chaleureux, en filasse teintée.

Chaque fois que je passe dessous, plusieurs fois par jour, j'éprouve le besoin de toucher son menton, comme on le ferait avec un talisman. C'est une présence bienveillante. Cet animal géant est en même temps très fragile, car il est bloqué dans ce grand espace qu'est la salle à manger."

 Sans Titre, 2008

Sans Titre, 2008 Jean-François Fourtou. © Courtesy Galerie Mitterrand

Une couleur : le bleu spirituel

"Quand j'étais enfant, je passais beaucoup de temps dans la chambre de ma mère, qui était bleue ciel. Ma mère était vouée au bleu, elle s'est habillée en bleu pendant des années. Pour moi, c'est une couleur de spiritualité et de protection. Je l'ai choisie pour la chambre de ma fille de 11 ans."

Une expérience : la boîte à musique

"Dans la maison-ruche que je construits pour mes parents, je suis en train de mettre au point des toilettes assez particulières. Elles sont inspirées d'une boîte à musique que ma mère avait dans son enfance. C'était une boîte tout en miroir, avec une danseuse qui tournait au milieu.

Je fabrique donc un cube en miroir, avec quatre portes, qui donneront chacune sur une pièce différente. Quand on s'assiéra sur les toilettes, elles se mettront à tourner sur une petite musique. Et à la fin, on ne saura plus par quelle porte on est entré.

J'ai beaucoup de mal à faire accepter l'idée à mes parents... mais je vais y arriver !"

Un rituel : séance de relaxation

"J'ai une petite salle dans laquelle je pratique le yoga et la méditation. J'y vais une ou deux fois par jour. Ça m'apporte beaucoup de tranquillité, ça m'aide à être dans l'instant présent.

C'est la pièce la plus épurée de toute la propriété. Je crée de grandes maisons et des installations importantes, mais j'ai toujours vécu dans des endroits simples. Ma chambre, par exemple, est toute petite. C'est peut-être parce que je suis toujours à la recherche d'un cocon."

Découvrez les oeuvres et les maisons de Jean-François Fourtou dans ce portfolio.