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AUTOCONSTRUCTION - Construire sa propre maison bulle : voilà le pari un peu fou de Philippe Lesage. Rencontre.

Lorsque l'on emprunte la rue Henri Bonnin, dans la petite commune de Montgivray (Indre), on ne se doute pas qu'en contrebas de ce qu'on pourrait prendre pour un terrain non bâti, trois paires de mains s'activent sur un chantier faramineux en ce matin brumeux.

Il suffit que la curiosité nous pique et nous pousse à tendre un peu la tête pour pouvoir apercevoir de drôles d'ossatures en fer. Squelettes chétifs et pourtant indispensables de la future maison bulle du maître des lieux, Philippe Delage.

Mais que se cache-t-il derrière ce terme si poétique de maison bulle ? Comme vous pouvez l'imaginer, des maisons toutes en rondeurs, aux puits de lumières multiples. Très en vogue dans les années 60, elles sont nées sous les mains d'architectes renommés tels Antti Lovag ou Pascal Haüsermann. Le Palais Bulles de Théoule-sur-Mer, aujourd'hui en vente, en est sans doute la réalisation la plus connue en la matière. C'est également dans ces maisons extraordinaires que logent les bien connus Barbapapa.

La maison de Philippe Delage se composera d'une dizaine de bulles.
La maison de Philippe Delage se composera d'une dizaine de bulles. © Clémence Leleu

Philippe Delage n'est pas architecte. Ancien importateur de produits mexicains, il a quitté son travail pour se lancer dans l'édification d'une maison bulle. Un sujet qui le passionne depuis vingt ans.

Avant de se franchir le pas de la construction de sa propre structure, il a entreprit un tour de France de ces maisons pas comme les autres, glanant çà et là de précieuses informations. "J'en ai visité une trentaine sur les cinquante existantes", dit-il fièrement. En effet, les propriétaires de maison bulles se lancent plus souvent qu'à leur tour dans la construction de leur propre maison.

Des stages participatifs sur le chantier

"On ne peut pas vraiment dire que je sois un bricoleur hors pair et pourtant je m'en sors très bien", confie Philippe dans un sourire. Car ici, nul besoin d'un maçon, d'un charpentier, d'un plaquiste ou encore d'un couvreur. La maison bulle ne nécessite que des fers tors et du béton. “Tout le monde a les compétences pour se lancer. Il suffit juste de temps et d'un peu de patience.

Philippe Delage travaille les fers tors. Ossatures de sa maison bulle.
Philippe Delage travaille les fers tors. Ossatures de sa maison bulle. © Clémence Leleu

La communauté des constructeurs de maison bulle se révèle ainsi très active, chacun y allant de sa petite question ou de sa grande explication. C'est ainsi que Philippe a eu l'idée de créer un site Internet sur lequel il raconte le déroulement de son expérience et distille à ses 2600 abonnés de précieux conseils. Et ça marche. Le site de Philippe rassemble chaque mois plus de 15 000 visiteurs. Les adhésions de ses abonnés lui permettent de financer son chantier.

Pour prolonger l'expérience dans la vie “réelle”, Philippe propose par ailleurs des stages sur son chantier où chacun peut venir mettre sa pierre à l'édifice. De quoi acquérir un savoir-faire mais aussi créer de belles rencontres.

Une maison de 165 m2 pour 10 000 euros

La clé d'un chantier de maison bulle réussi ? Ne surtout pas céder aux sirènes du gigantisme. "Nous n'avons pas forcément besoin d'une maison très vaste, juste qu'elle soit à la bonne échelle, pour que l'expérience reste ludique", conseille le bricoleur. Et tout ça pour la somme de 10 000 euros, jure-t-il dans une vidéo explicative sur YouTube.

Philippe y est donc allé pas à pas. C'est au début de l'année 2010 qu'il achète son terrain. Après un défrichage complet à la main, il se lance dans le terrassement en 2012, pour couler la dalle de béton l'année suivante. Les structures en fer, donneront, après la projection de micro béton (mélange de mortier et de résine), sa forme arrondie à la maison. Un véritable travail d'orfèvre. “C'est de l'architecture sculpture”, glisse Philippe Delage.

 Une extrémité de la maison bulle de Philippe Delage.
Une extrémité de la maison bulle de Philippe Delage. © Clémence Leleu

La maison, d'une surface de 165m2 comprendra un salon, une cuisine, deux chambres, deux salles de bains, mezzanine mais aussi un garage. Seule différence et non des moindres avec une habitation traditionnelle : il faut tout prévoir à l'avance.

En effet, impossible de changer la place d'une fenêtre ou d'une porte après avoir confectionné le ferraillage. La place de beaucoup de meubles est définitive. Les plans de travail, les étagères, la bibliothèque ou encore l'assise du canapé sont encastrés dans les murs et s'accordent ainsi à l'arrondi de la structure.

Une partie des meubles doit être encastrée dans la structure.
Une partie des meubles doit être encastrée dans la structure. © Clémence Leleu

“La maison bulle est entièrement conçue selon les envies de son propriétaire. Tout est réfléchi par rapport à la taille de l'homme.” précise Philippe Delage. Par exemple, dans la chambre, elle est juste à la bonne hauteur pour, qu'allongé, on puisse voir la campagne qui s'étend devant le fenêtre.

Repenser l'habitat de demain

Enfin, dernière particularité de la future maison bulle de Philippe Delage, elle sera entièrement passive. En effet, ces maisons répondant également au nom de maisons bioclimatiques enterrées disposent de hautes performances énergétiques.

La maison de Philippe Delage est construite sur un terrain en pente orienté plein sud. Son concept est basé sur le PAHS (Passive Annual Heat Storage, soit stockage inter saisonnier de chaleur). Durant la journée, le soleil chauffe la maison qui chauffe à son tour la terre derrière les murs en béton. La terre emmagasine la chaleur pendant six mois. En hiver, dès lors que la maison se refroidit, la terre reflue sa chaleur et chauffe ainsi l'habitation.

Lorsque la maison sera terminée elle deviendra quasiment invisible pour les voisins.
Lorsque la maison sera terminée elle deviendra quasiment invisible pour les voisins. © Clémence Leleu

Contrairement à ce que craignent beaucoup de visiteurs, ces maisons en voile de béton : sont antisismiques et anticycloniques, dans la mesure où le sol, le mur et le toit ne forme qu'une seule structure autoportante et homogène.

Une fois le chantier terminé, aucun risque de voir le paysage défiguré. En effet, elle sera complètement intégrée dans ce dernier et deviendra quasiment invisible pour les voisins et les passants.