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GÉNÉRATION - Pour vivre à proximité de son père tout en préservant son intimité, le trentenaire a imaginé une alternative à la maison de retraite.

La crise sanitaire a relancé une fois de plus le débat sur les conditions de vie des personnes âgées dans les maisons de retraite. Isolement, coût financier, manque de confort, nombreux-ses sont celles et ceux qui cherchent des alternatives pour éviter aux seniors des conditions de vie parfois dégradantes

Julien, sa compagne Amandine et leur fils n'ont plus besoin de prendre leur voiture pour rendre visite à Patrick, le père de Julien. Depuis le 1er décembre 2020, Patrick, 66 ans, a emménagé dans la grange de la maison familiale à Beaufou en Vendée, transformée en maison individuelle pour le jeune retraité. “C'est un habitat intergénérationnel pour assurer les vieux jours de mon père”, précise Julien.  

Un habitat intergénérationnel qui respecte le mode de vie de chacun

Sur le terrain de 9000 m², deux maisons cohabitent. Celle de Patrick, l'ancienne grange, fait une centaine de mètres carrés et dispose d'une grande pièce de vie lumineuse, de deux chambres, une salle de bains et des toilettes. Julien et Amandine vivent juste à côté, dans un corps de ferme qu'ils ont rénové.  Ils ne le savent pas encore, mais ils viennent de créer un "habitat kangourou" : une forme de logement intergénérationnel qui a été développée en Belgique à partir des années 80 par le Foyer Dar al Amal

Comme dans un habitat participatif ou une colocation, les deux foyers partagent des espaces communs. Le jardin bien sûr, mais aussi le garage, l'atelier et une petite cave. “On avait envisagé de mettre plus de choses en commun, comme la laverie. mais il faut respecter l'équilibre de chacun”, indique Julien. 

En effet, ce n'est pas parce que Patrick vit dans un logement collé au leur, que les deux maisons partagent le quotidien. “On se voit tous les jours, sans forcément passer du temps ensemble. Ça dépend des jours, ça dépend de l'humeur”, rappelle Julien. Reste que Patrick peut passer voir son petit-fils quand il le souhaite, un lien dont de nombreux grands-parents ont été coupés en raison de l'épidémie de Covid-19. 

© Julien Lequertier

"J'ai passé mes nuits et week-ends à faire des plans en 3D de la future maison”

Cela faisait 6 ou 7 ans que Julien cherchait un moyen de loger son père dignement malgré la petite retraite de cet ancien commerçant et son handicap partiel. Le projet se concrétise lorsque Patrick vend sa maison. La famille se met à la recherche d'un grand corps de ferme à rénover pour pouvoir y loger tout le monde. Après trois mois de visite, ils tombent sur la perle rare : une grande maison avec une grange en pierre ancienne. 

Une Société Civile Immobilière (SCI) est créée en 2017 pour rendre le projet d'habitat intergénérationnel possible. “On a vécu dans la grande maison, nous à l'étage et mon père au rez-de-chaussée, le temps de pouvoir contracter un emprunt et réaliser les travaux dans la grange”, explique-t-il. 

Et la recherche de financement pour effectuer les travaux de rénovation s'avère plus compliquée que prévu. “On est passé de banque en banque. J'ai dû monter en compétence moi-même, car je n'y connaissais rien. Les banquiers n'ont pas l'habitude de monter ces projets”, se souvient ce trentenaire qui travaille dans l'informatique. 

Côté construction, lorsque le couple avait consulté le Plan Local d'Urbanisme de la commune, le projet était possible. Mais entre l'achat et la demande de permis de construire, les règles avaient changé et Julien n'avait plus qu'un mois pour faire une nouvelle demande. “En un mois, impossible de prendre un architecte et puis c'était trop cher, on ne pouvait pas se le permettre. C'est moi qui me suis chargé de monter le dossier, j'ai passé mes nuits et week-ends à faire des plans en 3D de la future maison”, raconte-t-il. Ses sacrifices paient car en juin 2019, le permis est accordé. 

L'habitat Kangourou : un coup de pouce financier du département 

Entre-temps, le département de la Vendée, qui a entendu parler du projet de Julien et de son père, prend contact avec eux. Bonne nouvelle, la collectivité vient de mettre en place un coup de pouce financier, un dispositif appelé Habitat Kangourou, une aide à la création d'habitats intergénérationnels. 

Ce dispositif prévoit deux types d'aides financières. La première représente 25% des travaux et est plafonnée à 3000 euros si le projet est la création d'un logement d'une pièce dans un logement existant. La deuxième fonctionne sur le même principe mais est plafonnée à 5000 euros si l'objectif est la création d'un logement indépendant, comme c'est le cas pour le projet de Julien. “Pour nous cela représentait 5% des travaux car les travaux pour la maison de mon père nous ont coûté 100 000 euros”, souligne-t-il. 

Après plus d'un an de travaux réalisés par des artisans, la maison de Patrick est prête. Une proximité rassurante pendant ces mois de confinement. “Les gens, chacun dans leur appartement, perdent un peu le sens. Ils ont besoin de se retrouver plus près de leur famille”, remarque-t-il. 

Des conseils pour celles et ceux qui voudraient se lancer dans un projet similaire ? Première chose selon Julien : monter en compétence afin de pouvoir comprendre et gérer l'aspect administratif et légal de ce montage immobilier. “Et il y a le PFH : le putain de facteur humain. Il faut s'assurer à chaque étape que tout le monde soit raccord et que personne ne soit laissé sur le carreau. C'est de la gestion humaine”, conclut-il. 

Si vous souhaitez obtenir des informations sur l'habitat kangourou et cherchez des conseils pour monter un habitat intergénérationnel, Julien met à disposition son adresse mail à laquelle vous pouvez lui écrire : julien@habitat-enracine.fr