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JARDIN - Pour remplacer l'utilisation de la tondeuse à gazon, des municipalités ou des particuliers font appel à l'éco-pâturage. Mais cette méthode est-elle adaptée à tous les jardins ?

Et si la corvée de la tondeuse à gazon n'était plus qu'un mauvais souvenir ? En plus de ne pas être une partie de plaisir, tondre son jardin fait fuir les oiseaux et autres insectes.

Pour y remédier, une tendance écologique fait parler d'elle : charger des moutons ou autres ovins de brouter l'herbe du jardin. Ce que l'on appelle éco-pâturage a pour vocation d'entretenir les espaces verts de façon naturelle sans avoir recours aux pesticides.  

Mais peut-on installer un bouc ou encore une chèvre de partout ? La ville de Dieppe, l'Université de Villetaneuse, des bailleurs sociaux ou encore quelques particuliers se sont déjà lancés dans cette méthode alternative et écologique de gestion des espaces verts.

© Ville de Dieppe

Des moutons pour remplacer la tondeuse à gazon

Eric, 56 ans, habite en Bretagne, non loin du golf du Morbihan. Il a adopté l'éco-pâturage depuis 4 ans. “J'avais un terrain, mais je n'étais pas très doué pour le jardin, c'est quelque chose qui m'embête profondément”, raconte-t-il.

Pour se débarrasser de cette tâche, il fait appel à l'entreprise Breizh Moutondeurs, une entreprise de “location de moutons d'entretien” pour entretenir les 1000 m2 de son terrain.

Depuis, des moutons ou des béliers, c'est selon, broutent l'herbe de sa propriété “deux à trois fois dans l'année”, pendant 1 mois à chaque fois environ.

Gérôme, 40 ans, a quant à lui récupéré 3 chevrots, “condamnées à l'abattoir”, les a élevés pour qu'ils s'occupent de son terrain de 3500 m2. “Elles ont un bout de forêt, un verger et un roncier”, explique-t-il. Pour qu'ils ne mangent pas le potager et les fleurs d'ornement dont ils raffolent, Gérôme les a parqués à l'aide d'une petite clôture électrique pour poules.

En plus de tondre, les chèvres de Gérôme s'occupent aussi du petit bois, des ronces, des feuilles des arbres fruitiers “mais jamais de leurs fruits”. Il ajoute amusé : “étonnamment, elles s'occupent toujours des orties et des mauvais herbes en dernier !”.

© Okotop

Gain de temps et indépendance : les avantages de l'éco-pâturage

Toutefois, ne vous attendez pas à trouver votre gazon taillé à ras, à la manière d'un jardin paysager. “Il y a une évolution du regard sur l'espace : la nature se réexprime, on a une prairie”, avertit Damien Hedin. Cette manière douce d'aborder les espaces verts en fait une alternative écologique pour le fondateur d'Okotop.

L'avantage principal de louer des moutons selon Eric, c'est que ceux-ci sont “des animaux indépendants, qui ont été habitués à se nourrir seul. Je ne suis jamais dérangé”, précise-t-il. À part un grand seau pour que les animaux puissent boire, l'accueil de ces nouveaux colocataires n'a pas nécessité d'installation particulière. Il les laisse dormir dans le jardin.

Le gros point noir demeure celui des déjections partout dans le jardin. Compliqué de se prélasser dans l'herbe quand il y a potentiellement plusieurs crottes de moutons à proximité.

Eric confirme : “Le seul inconvénient c'est qu'ils ont tendance à faire leur déjection un peu partout. Mais ça se nettoie très vite.

Une méthode qui n'est pas adaptée à tous les jardins

Eric et Gérôme font cependant figure d'exception, cette solution étant plutôt choisie par des municipalités que par tout un chacun. “On ne peut pas parler de tendance chez les particuliers”, affirme Damien Hedin, président et fondateur de l'association Ökotop, qui fait la promotion de l'éco-pâturage auprès des entreprises, collectivités et particuliers.

Rares sont ceux qui ont un terrain suffisamment grand pour accueillir des moutons chez eux”, explique ce spécialiste qui propose également ce service à des bailleurs sociaux. Selon lui, il n'est pas conseillé de se lancer dans l'éco-pâturage lorsque le terrain dont on dispose est inférieur à 1000 m2. “Les animaux ont besoin d'un espace minimum pour être heureux.

Mais pas question de leur donner accès à la totalité du jardin si vous tenez à vos fleurs ou autres arbustes ! Il est important de tout clôturer. Si votre extérieur est un paradis pour paysagistes, l'éco-pâturage n'est sûrement pas fait pour vous.

© Gérôme

Est-ce économique de tondre sa pelouse avec des moutons ?

En plus d'être un gain de temps considérable, l'éco-pâturage est-il un gain d'argent ? Pas si sûr, au vu de la somme dont se déleste Eric tous les mois : “je paie 180 euros par mois pour 4 ovins”, explique-t-il.

Il est bien moins cher d'avoir ses propres animaux, surtout quand on ne les a pas payé comme Gérôme !

Le coût varie en fonction de plusieurs critères”, indique Damien Hedin, “la distance vis à vis du lieu d'élevage, l'abreuvement, la clotûre et l'animal. On chiffre au m2.

Raison pour laquelle, selon lui cette gestion des espaces verts est davantage adaptée aux syndics et bailleurs sociaux qui peuvent réaliser “25 à 30% d'économie sur leur facture finale”, ajoute-t-il.

Limiter l'éco-pâturage aux grands espaces pour le bien-être des animaux

Le problème principal chez les particuliers reste la taille du jardin. Un avis que partage Julie Lou Dubreuilh, bergère en Seine Saint Denis au sein de l'association Bergers Urbains. “Le mouton est profondément nomade et a besoin de conquérir de nouveaux espaces en permanence. Avoir toujours le même horizon les déprime”, souligne-t-elle.

La surface est un élément crucial puisqu'il détermine souvent le nombre d'animaux dont on va disposer. Pourtant, un nombre minimum de moutons est nécessaire à leur bien-être. “Les moutons pour être heureux ont besoin d'être en troupeau, c'est à dire, à partir de 4 ou 5”, complète-t-elle.

Reste à savoir si le terrain est adapté pour alimenter les animaux, une simple pelouse ne suffit pas. “Même le mouton d'Ouessant, qui est un des plus petits moutons, a besoin de l'herbage”, confirme Damien Hedin. En somme, un petit peu d'herbe verte ne suffira pas à vos animaux, qui ont besoin d'une vraie prairie pour se nourrir correctement.

Et la bergère de Seine Saint Denis de conclure : “la bonne nouvelle, c'est qu'il y a d'autres espèces qui pâture et sont moins contraignants !Moutons, poules, oies ou encore lapins : une bonne idée pour votre jardin ?

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