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ÉDUCATION BIENVEILLANTE - Profils Instagram, livres, blogs, on trouve partout des conseils pour élever son enfant le mieux possible. Problème : la pression est parfois trop grande.

Ne pas brusquer l'enfant, ne pas le culpabiliser, ne pas s'énerver contre lui, lui expliquer les choses en dialoguant sans cesse, ne pas le punir, ne pas le critiquer... Centrée sur le bien-être de l'enfant et son autonomie, l'éducation bienveillante (ou "positive") est pleine de bonnes intentions, mais elle peut rendre les parents totalement chèvres.

C'est le constat réalisé par la psychologue pour enfants Florence Millot dans son ouvrage Parent bienveillant, paru chez Larousse en septembre. "J'ai voulu prendre un peu le contre-pied de la bienveillance, nous explique-t-elle, qui est toujours axée sur l'enfant. Les parents ont tellement de conseils en éducation qu'ils s'accrochent à quelque chose d'extérieur à eux, ils perdent leur intuition première et ça crée de la dissonance. Alors qu'on a une part de colère qui existe toujours au fond de nous-mêmes, on ne peut pas tout le temps être bienveillant." 

Suivre le modèle "Tête, Cœur, Corps"

En d'autres termes, les parents pètent les plombs. Ils ne prennent pas soin d'eux et ne parviennent pas à gérer leurs émotions, nées de cette différence entre le parent parfait qu'on leur présente dans les blogs, les comptes Instagram et les livres, et celui qu'ils sont réellement au quotidien. D'où qu'il provienne, le manuel pédagogique idéal ne s'adresse jamais à notre situation concrète, à notre relation spécifique avec notre enfant.

Un exemple parlant ? Florence Millot évoque avec nous le cas de cette mère d'une petite fille de deux ans qui se désespère, car elle ne parvient pas à la coucher avant 22 ou 23h. La petite fille veut voir son père qui rentre tard du travail, et le père veut voir également sa fille. Résultat, l'horaire du coucher ne correspond pas à la "norme". "Mais dès que la mère a suivi son intuition et laissé sa fille plus libre de voir le père, nous raconte Florence Millot, celle-ci a accepté de se coucher plus facilement vers 21h, ce qui lui permet parfois de voir son père."

En somme, il faut s'écouter davantage, laisser parler ses émotions. Être en phase selon le modèle TTC développé par Florence Millot : Tête, Cœur, Corps. Nos pensées, nos émotions, nos gestes, doivent s'aligner sur la même intention, sans quoi l'enfant perçoit que nous ne sommes pas cohérents avec nous-mêmes. La communication non verbale prend le pas sur tout le reste et notre enfant la décrypte merveilleusement bien.

"L'enfant cherche la cohérence en nous"

Les crises, les pleurs, le conflit, apparaissent souvent quand nous doutons. Encore un exemple : quand les parents refusent un second dessert à leur enfant, ou lui font du chantage pour qu'il finisse son plat, l'enfant se rebelle parce qu'il sent qu'en réalité nous obéissons à des injonctions sociétales et pas à notre intuition, qui nous dit que ce n'est pas grave. "L'enfant cherche la cohérence en nous, explique Florence Millot, notre enfant n'écoute pas ce que nous disons, mais ce que nous ressentons intérieurement."

Pour éviter ce déphasage entre notre raison et notre intuition, la psychologue nous invite à faire le tri dans dans nos pensées. "Il faut se demander : d'où vient cette idée que j'ai ? Pourquoi est-ce que je pense que la tétine ou les écrans sont forcément mauvais ? En réalité, ça provient de nos parents, de nos proches, d'un livre. Ce sont les autres qui pensent en nous ! On ne s'autorise pas assez à laisser libre cours à son intuition."

"Mieux vaut le punir dans sa chambre que dire des horreurs"

Attention, suivre son intuition ne signifie pas que nous avons le droit de nous énerver n'importe comment. Encore une fois, il faut aligner la tête, le cœur et le corps. "Si on sent qu'on va s'énerver, prévient la thérapeute, mieux vaut le punir dans sa chambre en lui expliquant calmement qu'on a besoin d'une pause, c'est mieux que de lui dire des horreurs. Chacun se retire dans son espace afin de remettre ses idées en place. On ne peut pas faire du dialogue en permanence car il risque de devenir agressif. La punition a des limites, pas le dialogue."

Pour Florence Millot, il faut surtout faire confiance à son enfant. "L'enfant a des ressources propres, il a bien plus de forces qu'on ne le croit. Il y a des parents qui, sous prétexte de bienveillance, sont super contrôlants ! Ils mettent une pression scolaire qui prouve qu'ils ne font pas confiance. En cabinet, je vois des enfants qui ont peur de finir à la rue parce qu'ils ont raté un contrôle..."

La bienveillance peut donc vite tourner à la volonté de faire le bonheur de notre enfant à sa place, en projetant sur lui des idéaux de réussite scolaire, de sociabilité ("il faut qu'il ait plein d'amis"), et d'épanouissement (leçons de piano, de dessin, de tennis...). "La réalité, c'est que je ne peux pas rendre heureux mon enfant, son bonheur ne dépend pas de moi car c'est un être libre et autonome", conclut pourtant Florence Millot. Un constat plutôt reposant, non ?