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EDUCATION - Le cododo, ou cosleeping, est une pratique qui fait débat aussi bien auprès des parents que des médecins. Nous avons essayé de comprendre pourquoi.

Je me laissais aller à la douceur de cette nuit où j'avais ma mère auprès de moi. Je savais qu'une telle nuit ne pourrait se renouveler ; que le plus grand désir que j'eusse au monde, garder ma mère dans ma chambre pendant ces tristes heures nocturnes, était trop en opposition avec les nécessités de la vie et le vœu de tous (...).

Dans cet extrait du premier tome d'À la recherche du temps perdu, Marcel Proust décrit le soulagement qu'il éprouve quand sa mère accepte de rester près de lui avant qu'il ne s'endorme, malgré son âge avancé et le désaccord de son père. Proust serait-il un fervent partisan du co-sleeping, ou cododo en français ?

Cette pratique, qui consiste à partager sa chambre, et plus généralement son lit avec son enfant, ne laisse personne indifférent. Chaque personne a une anecdote, positive ou non, sur le sujet.

Peut-être dormez-vous vous même avec vos enfants, sans oser l'avouer à votre entourage ? Ne culpabilisez plus, vous n'êtes pas seul-e !

Le cododo pour dormir sereinement après la naissance de l'enfant

Camille, 24 ans, est mère de deux petites filles : Émilie, 5 ans et Héloïse, 5 mois. Pour cette jeune femme qui vit près du bassin d'Arcachon, le cododo, qu'elle a pratiqué avec son aînée puis désormais avec son deuxième enfant, n'a rien de tabou.

Au contraire, c'est une source de bonheur. “Cela m'apporte du sommeil, je n'ai jamais besoin de me lever. On peut vraiment se reposer”, nous indique-t-elle.

Pour Stéphanie, il est indispensable de dormir près de son fils Liam, aujourd'hui âgé de 19 mois, car il “hurle” dès qu'il est loin de sa mère. “Il n'y a rien à faire”, souligne-t-elle. Autre raison qui va de pair, celle de faciliter l'allaitement.

Quand on allaite le bébé, cela va bien ensemble. Le bébé est tout proche de soi pour les tétées de nuit”, nous rappelle Claude Didierjean-Jouveau, spécialiste de la maternité et autrice de Le cododo : pourquoi, comment (Ed. Jouvence, 2018).  

Contrairement à ce que certains ont tendance à penser, le cododo n'est pas qu'une pratique de parents désespérés, qui recourent à cette solution dans l'espoir de nuits plus sereines. Pour Delphine Leca, psychologue et mère de deux enfants, le cododo “renforce le lien d'attachement entre la mère et l'enfant, c'est une forme de continuité de la grossesse.”

Pour la psychologue, dormir avec son enfant crée un environnement sécurisant qui contribue à sa sécurité affective. Un avis que partage la docteure Rosa Jové, autrice de Dormir sans larmes (Ed. Les Arènes, 2017) : “le cododo améliore la relation et la santé psychologique de l'enfant.

Cette convaincue des bienfaits du cododo explique que cette méthode prend en compte le besoin naturel du bébé à être en contact avec ses parents. “Ce n'est pas un besoin qui disparaît entre 8 h du soir et 8 h du matin”, ajoute-t-elle.  

Une pratique “à la mode” mais qui reste tabou

La Dr. Agnès Pargade, pédopsychiatre et autrice de Pourquoi consulter un pédopsychiatre (Ed. de Boeck, 2011) y voit en revanche un phénomène de mode qui trouverait son origine dans la culpabilité des mères.

Les mamans travaillent de plus en plus, elles sont débordées. Elles compensent cette absence relative par le fait de dormir avec leur bébé la nuit”, indique-t-elle.

A priori rien d'alarmant. Mais pourquoi diantre, le cododo suscite-t-il des réactions aussi passionnées ? Camille l'assure : toutes les personnes de son entourage ont un avis sur la question. “Dès que ma fille a dépassé un an, ça a commencé à jaser”, se souvient-elle, “on m'expliquait qu'elle sera toujours collée dans les jupes de sa mère.

La tradition psychanalytique française n'est pas étrangère à ce tabou selon Claude Didierjean-Jouveau. Le cododo serait associé systématiquement “à la peur de la promiscuité, de l'inceste, la notion d'Oedipe”, précise-t-elle.

Sans oublier la profonde réticence du corps médical, à l'image de la docteure Agnès Pargade pour qui le cododo est à proscrire. Elle estime en effet que le cododo “n'est pas bon pour l'évolution de l'enfant quand il est plus grand“.

Par ailleurs, pour elle, un nourrisson n'a pas sa place dans un lit partagé avec des adultes, car il y a un risque d'étouffement.

Plusieurs conditions nécessaires pour ne pas mettre l'enfant en danger

Mais pour Claude Didierjean-Jouveau le problème principal reste la désinformation. Par conséquent certains parents “peuvent faire des choses qui comportent un danger.

Il existe plusieurs conditions selon cette spécialiste de l'allaitement pour réussir le cododo : “ne pas couvrir l'enfant avec la couette, opter pour un matelas dur, ne pas partager le lit d'un enfant si l'on fume” mais aussi “ne pas installer l'enfant entre les deux parents”, insiste-t-elle.

Stéphanie avait même spécialement acheté un “lit cododo” à la naissance de son fils. Une alternative pour les bébés, approuvée par la pédopsychiatre. “Ce sont des berceaux qui sont attachés au lit des parents. C'est très pratique pour les mamans qui allaitent”, ajoute la Dr. Pargade.

Savoir y mettre un terme pour préserver son couple

Malgré ces bonnes dispositions, la vie de couple peut se trouver impactée par la pratique du cododo. Pas évident d'avoir une vie intime quand l'enfant partage le lit des parents.

C'est cette perte d'intimité qui a poussé Elisabeth à mettre un terme au cododo quand sa fille a atteint les 5 mois.

Pour éviter de faire dormir ses deux enfants dans la même chambre et de réveiller l'aîné pendant la nuit, Elisabeth a accueilli sa fille dans la chambre parentale, au grand damn de son mari de l'époque.

En effet, la “mécanique du couple” en a pris un sacré coup. Elle se souvient : “Je n'étais plus que mère. J'avais besoin de retrouver mon intimité.” Et d'ajouter “si c'était à refaire, je l'aurais sortie de la chambre au bout d'un mois.

Camille n'a pas attendu la naissance de son deuxième enfant pour mettre un terme au cododo avec sa fille Emilie, 4 ans et demi à l'époque.

Pour s'assurer que le retour dans sa chambre se passe au mieux, la jeune maman et son conjoint lui ont préparé “une belle chambre” mais il a fallu procéder par étapes. “Pendant la grossesse, je lui ai expliqué que dormir avec elle et sa petite sœur, ça n'était pas possible.

Pourtant Camille l'assure, si elle n'avait pas été enceinte, elle aurait continué à dormir avec sa fille jusqu'à ce que cette dernière réclame sa propre chambre.

Mais y-a-t-il un âge qu'il ne faut surtout pas franchir ? “Après sept ou huit ans, il faut éviter”, considère la Dr. Agnès Pargade. “Il faut être ferme. L'enfant a grandi, il peut dormir seul dans une chambre.

Comme le rappelle le docteur Rosa Jové, à partir d'un certain âge, l'enfant, spontanément, ne voudra plus dormir avec ses parents.

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