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SOCIÉTÉ - Dans son podcast, Valérie Bauhain part à la recherche de futur-es ex-Parisien-nes qui ont fuit la capitale pour un quotidien plus vert et spacieux.

J'aime plus Paris” chantait en 2007 Thomas Dutronc. Le chanteur français était-il en avance sur son temps ? Si vous lisez régulièrement nos articles, il n'est pas rare que nous mettions en avant l'histoire d'une personne, d'un couple ou d'une famille qui vient de quitter la capitale à la recherche de plus d'espace et de verdure. 

Un phénomène d'exode urbain exacerbé par le confinement qui a mis les Parisiens et Parisiennes face aux contraintes de leur quotidien. Selon une étude de juin 2020 menée par le site Paris je te quitte, 54% des Francilien-nes étaient alors prêts à un départ “dès que possible”. 

Valérie Bauhain est journaliste et parisienne. L'envie de quitter Paris lui trotte dans la tête depuis quelques années, mais elle n'a jamais sauté le pas. Alors, pour se documenter et venir en aide à ses semblables, Valérie a créé le podcast “Ciao Paris”, le podcast pour quitter Paris. Elle y fait témoigner celles et ceux qui se sont lancé-es. Entretien. 

18h39 : Pourquoi est-ce que soudainement tout le monde souhaite quitter Paris ? 

Valérie Bauhain : Ce n'est pas soudain. En réalité, Paris perd des habitants depuis 2017. Selon un sondage de l'INSEE, la capitale perd 12 000 habitants chaque année au profit de la banlieue ou de la province, c'est un phénomène qui va durer jusqu'en 2025. L'exode urbain a commencé il y a un bon moment et on le voit quand on regarde les chiffres du marché immobilier des villes moyennes. Entre 2018 et 2019, on constate un boom de 10% en un an, et une augmentation des prix de 2,35% sur les maisons. 

Mais les confinements ont tout de même accéléré la tendance non ? 

Le confinement a un effet loupe sur ce qui ne va pas dans nos vies. Ça nous a mis face au non-sens du mode de vie urbain. On peut être ok pour sacrifier son envie de nature quand il est compensé par une vie sociale qui est super riche. Quand il n'y a plus tout ça pour compenser, la vie à Paris perd de son attrait. Et quand on se retrouve confiné dans un studio ou un appartement avec ses enfants toute la journée, l'appartement n'est jamais assez grand. 

Vous avez interrogé de nombreuses personnes qui ont fait le choix de quitter la capitale pour s'installer ailleurs. Quelles raisons invoquent-elles ?

L'envie de ralentir, de retrouver du sens, une meilleure qualité de vie, d'autant plus à l'heure où télétravail se démocratise. Ils partagent les mêmes ras-le-bol : le stress, la pollution, le manque d'espace. Ils partagent la même aspiration mais chaque projet est complètement différent. 

On imagine facilement le Parisien type quitter son appartement pour vivre dans une vieille maison en pleine campagne. Est-ce que ce cliché est vrai ?

C'est difficile de généraliser. Dans mon podcast, il y a l'histoire de Pierre-François et Audrey qui rêvaient d'une grande maison, un grand corps de ferme avec son arbre centenaire. Et puis ils se sont dits qu'ils avaient des adolescentes qui allaient être coupées de leurs potes. Pour leur offrir l'autonomie, il ne fallait pas habiter à la campagne, ils ont déchanté. Et puis, est-ce qu'on a envie de tondre tous les week-ends ? 

Alors où partent les futur-es ex-Parisien-nes ? 

Il y a beaucoup de gens qui partent pour aller dans des villes. Le mouvement de l'exode urbain, on peut le dessiner en faisant un rond autour de chaque ville française : de Paris il y a un mouvement vers la banlieue, après pour les Franciliens, un mouvement vers les grandes villes de province comme Lille ou Tours, et un autre mouvement des Franciliens vers les villes moyennes comme Montélimar, Valence, Quimper, Albi, Angoulême. Ce sont des villes très prisées car elles offrent une qualité de vie qui est à l'inverse de l'hyper concentration parisienne.

Mais est-ce un phénomène propre à la région parisienne ?  

À l'échelle nationale, des villes comme Toulouse ou Montpellier se vident aussi au profit des villes moyennes. Paris n'est pas le centre de la France !

Comme pour vous, avant de déménager, il y a souvent un moment de doute, d'hésitation. Qu'est-ce qui retient les aspirants au départ ? 

C'est souvent la peur de l'inconnu, un grand classique humain. On a abandonné beaucoup de projets de départ car on s'est rendu compte que sur place on allait connaître personne et on allait repartir de zéro. Mais il y en a plein qui le font, comme Tristan qui ne connaissait personne à Lorient. Il y a la peur aussi de ne pas trouver de job car le marché de l'emploi est plus dur, c'est un premier frein. 

Quelque part, il y a aussi une peur de disparaître, tu n'es plus là où ça se passe. Même si tu ne vas jamais au Louvre ni aux vernissages de galeries, ça se passe à côté de toi, c'est une donnée mentale qui compte. Il y a donc la peur de s'ennuyer.

Et le dernier frein, c'est l'élaboration d'un projet. Souvent l'écueil, c'est d'être dans la fuite, mais quand tu n'as pas construit ton projet auparavant, tu te casses les dents quand tu arrives sur place. Avoir envie de nature et de vert, ça ne remplit pas ton quotidien, ce n'est pas un projet de vie. 

Et qu'est-ce qui les surprend une fois qu'ils ou elles sont sur place ?

La lenteur ! Enfin, pour nous, c'est de la lenteur. Fabienne, habite en Provence et elle explique qu'entre midi et 16h, c'est black out. Tu as oublié d'acheter ton pain, c'est terminé ! Il y a une différence de rythme. Et puis il y a tous les petits trucs qui soulagent ton quotidien : le prix du parking, la facilité à se garer. 

Avec tous ces témoignages, est-ce que vous vous sentez désormais prête à partir de Paris ? 

Ça m'a vachement aidé à comprendre pourquoi je n'arrivais pas à partir : je n'avais pas construit de projet. Chacun avait ses raisons mais moi pas. J'en avais juste marre de Paris, ce qui est toujours le cas. J'attends d'avoir le coup de cœur pour une ville. Je me suis fixée sur la région toulousaine, mais je n'ai pas trouvé la ville autour de Toulouse qui a fait chavirer mon coeur et je ne me sens pas encore de déraciner mes enfants, pour les emmener dans un nouvel endroit dont je suis pas 100% convaincue que c'est le bon.

Pour aller plus loin

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