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RÉGIONALISME - Pourquoi n'utilise-t-on pas le même mot pour désigner la même chose ? Un passionné de la langue française s'est penché sur la question.

D'un bout à l'autre de la France, les expressions pour désigner un même mot varient. Quand on parle de serpillère à Brest, à Bastia on appelle cela un torchon. Mais pour quelles raisons ? 

Un passionné de la langue française vient de publier un ouvrage, Parlez-vous (les) français ? Atlas des expressions de nos régions (Ed. Armand Colin, 2019) qui revient sur l'ensemble de ces bizarreries linguistiques.  

© Armand Colin

Des cartes réalisées grâce à la participation des internautes                                

Quand j'étais petit, en colonie, j'ai vécu un grand traumatisme. Je me suis rendu compte que les autres enfants disaient crayon de bois ou crayon gris alors que moi je disais crayon de papier”, se souvient l'auteur, Mathieu Avanzi. 

C'est peut-être cet épisode qui a suscité chez ce savoyard d'origine, devenu maître de conférences à la Sorbonne, un intérêt pour les français régionaux, dont il parle dans son livre mais aussi sur son blog, Français de nos régions

On y trouve de nombreuses cartes dans lesquelles l'auteur répertorie minutieusement les différentes expressions récoltées lors de sondages auprès des internautes. Vous pouvez d'ailleurs participer aux enquêtes, juste ici

Pourquoi les mots changent-ils d'une région à l'autre ? 

Selon Mathieu Avanzi, il y a plusieurs raisons qui expliquent ces différences d'expressions. “Jusqu'au Moyen Âge, le français n'était parlé qu'en Ile-de-France et autour ce n'était que du dialecte”, commence-t-il par expliquer. 

Puis au 18 et 19ème siècle, le pouvoir a imposé cette langue à tout le territoire alors que la population parlait différents patois. Par conséquent, certaines expressions sont héritières de ces patois régionaux, construits avant que le français ne devienne la langue officielle. 

Autre piste d'explication : les archaïsmes. “Quand le français est arrivé en France, il a continué d'évoluer à Paris mais pas forcément dans le Sud ou le Nord. Ce sont de vieux mots qui n'ont pas été remplacés”, précise Mathieu Avanzi. 

Mais on a aussi le cas de certains mots qui n'existaient pas en français et qu'il a fallu inventer localement. C'est le cas de l'étendoir. “Avant on faisait sécher le linge sur un fil, puis quand ce nouvel outil est arrivé il a fallu trouver un mot. C'est pour cela que l'on a appelé cela un tancarville en Normandie, en hommage au nom du pont, et un étendoir ailleurs”, souligne-t-il. 

Best of du vocabulaire régional de la maison 

Nous avions déjà sélectionné nos expressions préférées issues du blog, voici notre sélection sortie du livre !

1 - Comment fermez-vous la porte (à clef) chez vous ? 

© Armand Colin

En Normandie, la poignée de la porte s'appelle une clenche, qui a donné le verbe “clencher”. Du côté de Nantes, c'est plutôt barrer alors qu'à Lausanne on parle de “cotter”. 

2 - Avoir un appartement clarteux à Reims seulement

C'est un dérivé du nom “clarté” qui a donné l'adjectif “clarteux” que l'on utilise en Lorraine notamment. “Il est assez fréquent de rencontrer cet adjectif dans les annonces des agences immobilières”, précise l'ouvrage.

3 - Être nareux, ce n'est pas facile pour les autres dans le nord-est

Comment appelez-vous quelqu'un qui n'aime pas grand chose quand il est temps de se mettre à table ? À Namur ou à Charleville-Mézières, on dit qu'ils sont nareux ! 

4 - Attention à ne pas s'empéguer les pieds à Toulouse !

© Amand Colin

Oh malheureux, ne t'empègue pas les pieds dans le tapis !” Voilà le genre de choses que l'on pourra vous dire à Toulouse, si vous vous prenez les pieds dans le tapis. En Bretagne ou en Alsace on utilisera le verbe “s'empêtrer”, tandis qu'à Bordeaux on dira “s'entraver”. Dans tous les cas, ouvrez l'œil !

5 - À Nantes, on met à la jaille pour s'en débarrasser

Cette expression est typique des départements qui vont du Finistère à la Vendée et signifie “jeter à la poubelle”. “Le mot jaille désigne aussi bien une poubelle que la déchetterie”, lit-on dans le livre.

Découvrez plus d'expressions du quotidien dans le livre ou sur le blog de Mathieu Avanzi.