|

ÇA GRATTE POUR MOI - Boemeria propose du linge de maison bio, éthique à base d'orties. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ça ne pique pas !

Boemeria. Derrière ce nom à consonance poétique se cachent deux amies, Aude Dalichoux et Cyrielle Samson, et une véritable réflexion autour du linge de maison équitable. Coussins, polochons, traversins, mais aussi pochettes et tabliers... les deux Françaises assument pleinement de faire du textile d'ortie leur cheval de bataille.

L'ortie est aujourd'hui mal aimée, vue comme une mauvaise herbe, alors qu'elle est comestible et a de nombreux bienfaits au jardin. Elle peut aussi servir, comme le chanvre ou le lin, à confectionner du tissu. C'était d'ailleurs le cas en Europe au XXème siècle, comme nous le racontent les deux créatrices.

Aude Dalichoux et Cyrielle Samson à l'atelier. © Boemeria

Pour le moment, elles importent du fil d'ortie ramassées au Népal, mais elles comptent bien développer une filière locale. En attendant de voir refleurir les orties en France, une campagne de financement participatif a été lancée sur Ulule pour réunir les fonds nécessaires à la fabrication des premières commandes.

Quelques questions aux co-fondatrices de Boemeria

18h39 : Quelles sont les propriétés principales de l'ortie au niveau textile ?

Au niveau textile, la tige d'ortie contient des fibres longues, fines, résistantes (bien plus que le coton et davantage que le lin) et creuses, ce qui leur confère un caractère thermorégulateur : le tissu d'ortie rafraîchit en été et réchauffe l'hiver.

Le tissu d'ortie est très résistant et se transmet, depuis toujours, de génération en génération, notamment en Ecosse et aux Pays Bas où le trousseau des jeunes filles était souvent tissé à base d'ortie. C'est donc un textile durable.

Du point de vue écologique, l'ortie pousse sans eau ni pesticides, toute la plante peut être valorisée (les feuilles et les racines aussi) et le tissu est entièrement biodégradable en fin de vie.

Du point de vue esthétique, les fibres d'ortie sont uniques car elles sont naturellement polychromes : le tissu dessine donc des variations de teintes naturelles allant du gris au beige, c'est très beau et très caractéristique de cette plante textile.

18h39 : D'où vous est venue l'idée de réutiliser l'ortie ?

Lorsque nous avons voulu créer une marque de linge de maison, la question de la matière s'est immédiatement posée. On cherchait un textile innovant, écologique, local et éthique.

On ne supportait plus d'entendre que les champs de coton dévastent la terre, les réserves en eau et la santé des travailleurs du Sud, ou qu'un produit textile faisait en moyenne une fois et demie le tour de la terre avant d'arriver chez nous, ou que les Ouïgours sont réduits à l'esclavage dans les champs de coton...

En faisant des recherches nous avons découvert que l'ortie était une plante textile historique, qu'elle avait été utilisée à l'échelle industrielle en Allemagne, notamment pour tisser les uniformes des soldats de la Première Guerre mondiale et plus nous avancions dans nos recherches, plus nous nous rendions compte que nous avions mis le doigt sur une solution qui répondait à un grand nombre des problématiques actuelles liées au textile.

18h39 : D'où viennent les orties que vous utilisez ? Elles sont cultivées ?

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, avec l'hégémonie du coton et du nylon, les fibres naturelles historiques présentes en Europe (lin, chanvre, ortie), ont été délaissées. La production de fil d'ortie a même été abandonnée et on n'en trouve plus en Europe.

Nous éco-sourçons donc notre fil d'ortie au Népal, où il est fabriqué artisanalement par des femmes de la communauté des Kulungs, à partir d'orties qui poussent à l'état sauvage. Ensuite, tout est fait en France, à la main : le tissage, la confection, la fabrication des accessoires et les rembourrages. Chaque produit est donc absolument unique.

Nous participons activement à la création de la filière ortie en France. Nous travaillons avec des partenaires agriculteurs, chercheurs, agronomes...la création de la filière est en cours. Nous pourrions même avoir un fil français en mélange d'ici la fin de l'année... affaire à suivre.