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IMMOBILIER - Une tendance émerge depuis quelques années : acheter une église et la restaurer en vue d'y habiter. Décryptage.

Habiter dans une église, cela à de quoi surprendre. Pourtant, depuis quelques années, ce nouveau mode d'habitat séduit de plus en plus de Français. Un micro-marché qui émerge d'autant plus rapidement quel le nombre de biens cléricaux mis en vente augmente avec les années.

En effet, l'État se retrouve dans l'obligation de vendre certains bien religieux, incapable de faire face au coût des travaux à réaliser. Ainsi, chaque année, ce sont entre 10 ou 20 églises qui sont mises en vente. 

Un chiffre qui devrait continuer de grimper car, selon les prévisions de l'Observatoire du patrimoine religieux, 5 à 10 % des 100 000 bâtiments recensés seront vendus, détruits ou abandonnées d'ici 2030.

Si les biens de ce type deviennent plus courant, les transformer en habitation n'est pas toujours facile.

C'est très joli en photo et l'idée fait rêver les gens, mais ce n'est pas forcément commode à aménager. Il n'y a pas d'étage, les espaces sont souvent grands et donc difficiles à chauffer, les fenêtres sont très souvent hautes...”, confie Maxime Cumunel, délégué général de l'Observatoire du patrimoine religieux. Lors de l'acquisition d'un tel édifice, il faut en effet planifier environ 200 000 euros de budget, ainsi qu'un autre pour les travaux quasiment équivalent. 

Privatiser un lieu collectif

Il est tout à fait légal sur le plan juridique de faire passer une église dans le domaine privé, sous réserve toutefois qu'elle ait été désacralisée par l'évêché, ce qui permet la reconversion en bâtiment civil.

Maxime Cumunel estime cependant que l'argument moral peut poser question. “Une église c'est la maison commune. La transformer en habitation, c'est privatiser quelque chose qui initialement était collectif. Il faut y réfléchir.

Propriétaire d'une église à Tourcoing depuis 2011, Silvany Hoarau a justement eu à coeur de perpétuer la vocation collective de l'église tout en y élisant domicile. En effet, ce jeune entrepreneur charpentier habite l'édifice de 2 000 m2 depuis 2012. 

J'ai construit une maison dans la maison. J'ai construit des cubes de bois, dans lesquels j'habite, c'est beaucoup plus facile à chauffer et surtout je peux les déplacer. Ça ne dégrade pas la structure. Je n'ai pas eu à percer les murs”, confie-t-il.

Parallèlement il s'est lancé dans un projet plus vaste de créer au sein de l'édifice un atelier de charpentier, dans lequel travaillent actuellement 20 personnes, mais aussi un espace de co-working et un autre culturel. “Je me suis demandé comment réussir à sauver un monument en péril en le transformant en maison mais aussi en infrastructure utile à la communauté.” De quoi permettre aux églises de retrouver une odeur de sainteté auprès des citoyens.

À savoir :

  • A l'exception des biens qui appartiennent à des particuliers, les édifices religieux sont régis par la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat.

  • Ceux bâtis avant cette date appartiennent aux communes (sauf les cathédrales qui sont la propriété de l'État), qui ont une obligation d'entretien.

  • Pour ceux bâtis après cette date, ils appartiennent aux diocèses. Les communes sont ainsi propriétaires d'environ 40 000 églises, contre 5 000 pour l'Église.