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DÉCRYPTAGE - Smart City, un terme affiché partout sans qu'on ne sache trop ce qu'il veuille dire.

C'est au tour des villes d'être smarts. Autrement dit, d'être intelligentes. Une fois que l'on a dit cela, on n'a pas vraiment dit grand-chose. Qu'est-ce que cela signifie au juste pour une ville d'être intelligente ? Les immeubles ne vont pas se mettre à disserter sur le sens de la vie, ni les rues changer d'orientation en fonction de la direction voulue par les voitures (on n'est pas à Poudlard, ne rêvons pas).

De quoi parle-t-on ?

"Le concept de smart city suscite énormément d'engouement, mais n'a pas de définition", entame Cécile Désaunay du centre de prospective Futuribles. Le terme est volontairement un peu fourre-tout. Comme ça, chacun peut se targuer d'être "smart".

Mais pour être précis, mieux vaut s'en tenir aux critères suivants : "Le point commun à toutes les smart cities est l'utilisation de l'Internet mobile et de données pour améliorer l'efficacité des services urbains : énergie, eau, transport, sécurité...", explique Mathieu Lefèvre, directeur général du think tank (autrement dit un laboratoire d'idées) New Cities Foundation.

En s'appuyant sur une étude du Parlement Européen (lien en anglais), on pourrait résumer ainsi : une ville intelligente est une ville qui s'appuie sur les technologies de l'information et de la communication (TIC) pour répondre aux problèmes d'intérêt commun.

Bien qu'elle nous semble nouvelle, l'expression "smart cities" a déjà quinze ans. Forgée dans le monde académique, puis reprise par le milieu de l'entreprise comme étendard marketing, elle sert avant tout à décrire les relations naissantes entre la ville et la technologie.

Si certains jugent le terme dépassé, il ne cesse pourtant d'être utilisé, repris, exhibé, affiché. Et aucun autre n'a su prendre sa place. C'est donc de smart cities que nous continuerons de parler, encore et encore, dans les mois et les années à venir.

Intelligente pour quoi, pour qui ? 

Les smart cities ont pour vocation de faciliter la vie de tous : citoyens, gouvernants et entreprises. Sous cette appellation, Londres, Paris, Lille et bien d'autres villes encore entendent, par exemple, réguler le trafic autoroutier et diminuer notablement les embouteillages.

En Suisse, un essai grandeur nature a eu lieu sur l'autoroute entre Lausanne et Genève. Résultat, trente minutes de temps de trajet économisé. De son côté, la municipalité de New-York aux États-Unis se sert dorénavant d'un algorithme pour diminuer le risque d'incendies des immeubles de la ville.

Selon la directrice d'études de Futuribles, il y a trois grands modèles de smart cities qui peuvent fonctionner indépendamment les uns les autres ou s'agréger dans une même ville. "Pour l'instant, ces modèles se côtoient, mais ne s'articulent pas encore", précise Cécile Desaunay.

© Arthur Poitevin

  1. Le "modèle IBM", qui consiste à placer des capteurs sur les infrastructures, donc à un endroit fixe. 
  2. Le "modèle Google", qui place cette fois les capteurs sur des objets ou éléments mobiles et qui suit donc les gens dans leurs activités quotidiennes. 
  3. Le "modèle collaboratif", qui s'appuie sur la participation volontaire des habitants qui font remonter des informations. La force de frappe varie en fonction du taux de participation.

Pas besoin d'habiter nécessairement une grande agglomération, smart rime aussi avec village, quartier, pâté de maison... L'avenir serait même plutôt au local. Par exemple, Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) développe un projet de smart grid (un réseau d'énergie intelligent) à l'échelle d'un quartier et Montdidier (Somme) à l'échelle de sa commune de 6 000 habitants.

Autre exemple, outre-Manche cette fois, avec Bristol, qui a fait de lourds investissements pour se rendre attractive aux nouveaux habitants en améliorant nombres de services : un réseau Internet à haut débit avec la fibre, une assistance aux personnes âgées, la lutte contre la pollution...  Un succès.

Il ne s'agit pas pour autant de tomber dans l'angélisme, le côté smart de ces villes peut faire peur. Crainte de la surveillance sans limite, du Big Brother généralisé. "Nous sommes dans l'ère post-Snowden, rappelle Mathieu Lefèvre, il y a une vraie peur des citoyens concernant l'utilisation de leurs données."

Aux politiques de se montrer attentifs à ces préoccupations, s'ils veulent l'adhésion de leurs électeurs. "Un maire ne va pas être réélu parce qu'il a installé des capteurs, mais parce qu'il y a une baisse de la pollution."

Demain, smart au quotidien

Les villes intelligentes entrent dans une nouvelle ère, plus proche de la vie quotidienne, presque plus humaine (même si l'on constate avec Mathieu Lefèvre qu'en tapant "smart city" dans un moteur de recherche d'images, on ne tombe que sur des schémas futuristes sans âme qui vive).

"Il faut évaluer le succès de ces nouvelles mesures avec des indicateurs proches des préoccupations des gens, continue le spécialiste, baisse de la facture énergétique de ma maison, ma rue, mon quartier, ma ville, mon pays... idem pour la baisse de CO2."

Pour vous et moi, cela passe(ra) par une maison plus smart. Exemple : l'installation d'un tableau de bord à l'intérieur de la maison pour gérer les dépenses d'énergies, d'eau et autres. On entre dans le concret. Mes économies sont visibles, de même que mon impact environnemental. C'est ce qui commence à se passer avec la domotique.

"La maison connectée et l'Internet des objets vont nous responsabiliser davantage, argumente Mathieu Lefèvre, c'est quand je recevrai mon bilan carbone personnel que cela me fera quelque chose." Il est lui-même détenteur d'une de ces box connectées pour le chauffage et toujours heureux de constater ses économies symbolisées par de petites feuilles vertes.

On peut même s'attendre à des objets intelligents qui nous suivent à la trace pour mieux nous servir. Comme ce chauffage innovant (lien vidéo en anglais) en développement au MIT (Massachusetts Institute of Technology). Cet appareil, qui ressemble à un spot de lumière, chauffe directement les personnes et non plus les pièces. Et Mathieu Lefèvre de conclure, "c'est une bonne image pour montrer comment la technologie va se rapprocher de nos préoccupations."