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COMMUNAUTÉ - Les Voisins du Quai ont posé leur valise dans une résidence qu'ils ont entièrement conçue. Un an après leur emménagement, nous les avons rencontrés.

C'est allongée dans un transat sur son balcon, avec vue plongeante sur la Deûle, que Sophie nous pointe en riant ce qu'elle a bidouillé elle-même pour se protéger de la canicule : un vieux rideau fixé à une tringle pour avoir un peu d'ombre. “On ne vous installe pas de stores car vous vivez dans le Nord nous a-t-on dit quand on a reçu les plans du bâtiment”, s'exclame-t-elle. 

Pourtant, ce bâtiment c'est bien Sophie ainsi que 11 autres personnes qui l'ont conçu. Pendant sept ans, les Voisins du quai se sont engagés collectivement à construire ce logement collaboratif dans lequel ils se sont installés pour de bon, en juin 2018. Pour vivre l'aventure communautaire, nul besoin de partir vivre comme un hippie dans la forêt !

© 18h39

12 logements individuels mais une vie communautaire essentielle

Bien que les stores manquent en ce jour de canicule, Sophie et ses camarades ont travaillé main dans la main avec des architectes pour faire de sortir de terre cet habitat groupé situé dans le quartier des Bois Blancs à Lille. 

Alors qu'il n'y avait rien avant les travaux, aujourd'hui, sur les 1000 m2 de terrain, s'élève une belle bâtisse en ossature bois, au beau milieu d'une succession de maisonnettes en briques rouges. Composé de 12 logements, l'habitat bénéficie aussi d'espaces partagés  tels qu'un petit jardin, une buanderie équipée de plusieurs machines à laver et même une salle des outils, une “outilthèque” où chacun peut venir se servir. 

Ici, l'idée est de participer activement à la vie collective, pas question de vivre les uns à côté des autres sans jamais se croiser. Aux Voisins du Quai règne un esprit communautaire. Il n'existe par exemple pas de service de gardiennage dans la résidence : “Chacun notre tour, on sort les poubelles, on s'occupe du jardin, on nettoie le salon commun ou la chambre d'amis”, nous précise Lucie, voisine du dessus de Sophie, en nous montrant le tableau de répartition des tâches. 

De fait, les charges sont nettement moins importantes qu'ailleurs. Les loyers aussi d'ailleurs. Pour ses 76m2, Sophie paie 770 euros de loyer. Une belle affaire par rapport au prix moyen du mètre carré à Lille. “Il y a aussi des logements sociaux. Nous avons deux logements qui ne paient pratiquement rien”, précise-t-elle. 

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“Je suis devenue écolo en vivant ici”

Mais le but n'est pas seulement de faire des économies ! Ce sont des valeurs communes qui ont motivé ce projet de vie, celles de l'écologie et de la mixité sociale. “Au départ, on rêvait beaucoup. On voulait un bâtiment écologique et passif. Finalement on a opté pour une ossature bois mais le bâtiment n'est pas passif”, souligne Sophie. Tandis que Lucie répond : “L'écologie je n'y connaissais rien. Moi je venais pour la mixité sociale. Je suis devenue écolo en vivant ici, j'ai vendu ma voiture, je me suis mise au compost.

Pour pouvoir concrétiser l'ensemble de ces souhaits, les Voisins du Quai ont dans un premier temps répondu à un appel à projet lancé en 2011 par la mairie qui souhaitait développer l'habitat participatif. “Personne ne se connaissait, on se retrouvait au café citoyen à Lille”, se souvient Lucie. Le jury est séduit par le concept proposé par les 12 volontaires et leur réserve un terrain en juillet 2012. 

Le bailleur social Lille Métropole Habitat se charge des travaux tandis que les futurs habitants collaborent avec un maître d'ouvrage et un architecte pour structurer les demandes de chacun. “Je voulais un duplex avec un petit studio indépendant pour ma fille, et deux salles de bains”, indique Sophie. Lucie, elle, voulait “beaucoup de lumière et un appartement traversant.

Les travaux qui devaient prendre fin en 2015 durent jusqu'en 2018. “En attendant, on a appris à vivre ensemble. On a fait des week-end de travail dans des gîtes”, rappelle Sophie. 

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Le but n'était pas de rester dans l'entre-soi

Les habitants et habitantes posent leurs valises en juin 2018 dans ce quartier à l'esprit village grâce à sa quasi-insularité. “Le but n'était pas de rester dans l'entre-soi”, précise Lucie alors qu'elle nous fait visiter le salon partagé. C'est d'ailleurs cette pièce précisément qui fait le lien entre les Voisin du Quai et le reste du quartier puisqu'elle est équipée d'une porte qui donne directement sur la rue. 

Ainsi, chaque semaine la salle se transforme en locale d'une AMAP où les habitants des Bois Blancs viennent récupérer fruits et légumes. Parfois, ce sont des cours de yoga qui sont organisés. 

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Cela fait maintenant un an que les Voisins du quai ont investi les lieux. Certes, il y a quelques problèmes de crottes de chat, d'autres regardent par la fenêtre quand ils n'y sont pas invités et souvent, on se plaint de la mauvaise isolation phonique. Mais Sophie nous l'assure : “C'est mieux qu'on l'espérait !”.

Bien qu'ils ne soient plus que quatre du projet d'origine à y vivre encore, le plaisir de vivre ensemble n'a pas l'air d'avoir quitté les 15 adultes et 9 enfants qui cohabitent au quotidien. Bruno, que l'on croise devant son appartement, joue de l'accordéon tandis que nous terminons la visite. “Vous avez vu mes courges qui poussent hors sol ?”, nous lance-t-il fièrement, “et si on faisait venir un mouton nain ?”.

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