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ENTRETIEN - Quand il était étudiant, il rêvait dollars et voitures. Aujourd'hui il a troqué le rêve américain contre une vie écolo. Rencontre avec le militant écologiste Rob Greenfield.

Si vous étiez à New-York en 2016, vous avez peut-être croisé un homme habillé avec les déchets que l'on trouve d'habitude au fond de nos poubelles. Cet homme s'appelle Rob Greenfield et s'était fixé comme objectif de sensibiliser les passants au gaspillage.

Trois ans plus tard, l'Américain de 32 ans n'a rien perdu de son engagement écolo, mieux encore, il est devenu une figure majeure du militantisme vert de son pays.

Tiny house, autonomie alimentaire, zéro déchet et minimaliste : la panoplie est complète. Nous avons eu la chance d'échanger avec lui par Skype, où il nous a livré, depuis sa mini maison installée en Floride, les secrets de son quotidien écolo.

© SierraFordPhotography

Vous êtes militant écologiste, un fervent minimaliste, un fidèle du zéro déchet. Qui êtes-vous Rob Greenfield ?

Rob Greenfield : Je suis juste une personne qui veut vivre une vie agréable et avoir un impact positif sur le monde qui m'entoure. J'ai pris conscience que tout n'est pas parfait et qu'on va avoir de sérieux problèmes à résoudre. Je travaille beaucoup pour que ma vie fasse partie de la solution

En 2015, vous avez publié un livre intitulé Dude making a difference (un type qui fait la différence en français). Comment est-ce que vous continuez de faire la différence quatre ans plus tard ?

Pendant un an, je ne vais consommer que la nourriture que je fais pousser ou que je me procure dans la nature : pas d'épicerie, pas de restaurant, ne pas me faire inviter à dîner chez des amis. Je fais pousser des fruits dans mon jardin ou je les récupère dans la nature, dans la forêt, dans l'océan. L'idée est d'inciter les gens à faire comme moi et à réfléchir à l'origine de la nourriture qu'ils consomment, à se rapprocher des producteurs locaux par exemple.

Je viens aussi de construire une tiny house qui mesure un peu moins de 10 m2. Je l'ai construite à 90% à partir de matériaux recyclés ou d'occasion.

À quoi ressemble votre vie dans cette tiny house ?

J'ai une cuisine extérieure qui est équipée d'une cuisine à biogaz, c'est-à-dire que je produis ce gaz avec mes biodéchets. J'ai aussi un système de récupération de l'eau de pluie, je la purifie avec un filtre pour la boire. L'eau sale de mon évier arrose les bananiers qui sont à quelques mètres de chez moi.

J'ai des toilettes sèches à compost, je fais pousser mon propre papier toilette. Je récupère mes excréments et mon urine, je les traite pour en faire un fertilisant pour les arbres fruitiers.

Vous vivez à Orlando en Floride. Ce n'est pas compliqué de vivre en parfaite autonomie en milieu urbain ?

J'ai choisi de vivre en ville pour plusieurs raisons. La première c'est parce que c'est là qu'il y a le plus de gens et c'est plus facile d'y avoir un impact : je donne des cours, je suis engagé auprès de plusieurs associations. J'aime l'idée de vivre au milieu des bois, mais la ville est l'endroit où je me dois d'être.

Et puis surtout, la ville me donne accès à tout ce dont j'ai besoin, il y a de nombreuses activités et je peux me déplacer en vélo, je n'ai pas de voiture.

Mais aussi, comme partout aux États-Unis, il y a une quantité de jardins qui ne sont pas utilisés. J'ai rencontré cette femme, qui a toujours voulu jardiner et avait ce jardin qu'elle n'utilisait pas. Je lui a proposé d'y installer ma tiny house et en échange, de faire de son jardin un endroit sympa et durable.

Gary Bencheghib. © Rob dans les rues de New-York à l'occasion du défi "Trash me"

 Vous êtes devenu célèbre car en 2016, vous avez porté pendant un mois, tous les déchets que vous produisiez. Pourquoi est-ce que vous avez voulu faire ça ?

Je suis toujours à la recherche de moyens intéressants pour attirer l'attention des gens. Les déchets sont tellement faciles à écarter de notre esprit : on les met dans une poubelle et le camion benne se charge de les emmener. Et on arrête d'y penser !

Je voulais que les gens prennent conscience à quel point on en produit. Il fallait que ça soit visuel. Alors j'ai vécu comme un américain moyen pendant un mois. L'objectif n'était pas de dénoncer mais de montrer la réalité.

Vous n'avez d'ailleurs pas toujours été ce modèle écolo. Qu'est-ce qui a fait que vous avez changé votre manière de vivre ?

En 2011, je vivais la vie américaine de base. Mon but c'était de devenir milliardaire à 30 ans. J'étais très centré sur les choses matérielles. Tous les dimanches, je passais des heures à nettoyer ma voiture, pour la faire briller. J'existais à travers mes biens et ce que les gens pensaient de moi.

Puis j'ai commencé à regarder de nombreux documentaires, à lire beaucoup de livres et j'ai commencé à prendre conscience que ce que je faisais au quotidien participait à la destruction du monde. Et là je me suis dit que je ne voulais plus faire ça, ça n'était plus mes valeurs.

Qu'est ce que vous conseilleriez à quelqu'un qui souhaiterait suivre votre exemple mais qui ne sait pas par quoi commencer ?

Ne vous accablez pas ! Chacun d'entre nous commence là où il peut, en fonction de son âge, de l'endroit où il vit. Il faut commencer par des petites choses. Pour arriver là où j'en suis, j'ai fait de petits changements, et une chose à la fois.

Tu peux commencer par utiliser des bouteilles d'eau réutilisables et d'abandonner les bouteilles en plastique. Ou alors prendre des tupperware avec toi quand tu vas au restaurant, comme ça tu peux manger les restes chez toi. Tu peux aussi utiliser un vélo plus souvent, ou marcher, et utiliser moins ta voiture. Ou encore, manger plus localement, consommer la nourriture qui pousse dans ton pays ou ta région. Et privilégier les fruits et légumes.

© SierraFordPhotography

Vous reconnaissez d'ailleurs que vous n'êtes pas parfait. Vous avez encore un ordinateur à disposition. Est-ce qu'il y a d'autres choses dont vous ne parvenez pas à vous débarrasser ?

Il y a une partie de moi qui rêve de vivre sans technologie. Je m'étais fixé comme objectif de me débarrasser de mon ordinateur à l'âge de 30 ans. Je l'ai fait et c'était génial ! Mais trois mois plus tard, je me suis rendu compte que je me rendais en permanence à la bibliothèque pour en utiliser un, j'en avais besoin pour mon travail. Alors j'en ai racheté un.  

Mais j'ai aussi un congélateur qui m'est très utile pour conserver ma nourriture pour mon défi, tout comme mon déshydrateur. J'essaie de n'acheter que des choses utilisées, et je partage celles que je n'utilise pas.

On entend souvent qu'être écolo cela coûte cher, que c'est réservé aux personnes qui ont les moyens. Combien est-ce que vous dépensez pour vivre comme cela ?

L'année dernière j'ai gagné 8000 dollars. J'ai donc vécu avec 660 dollars par mois (ndlr : 580 euros). Tu peux être écolo de manière très coûteuse, lorsque tu achètes des panneaux solaires à 15 ou 20 000 dollars, puis acheter une voiture électrique à 30 000 dollars. Et c'est ça que les gens voient en général, du coup ils pensent que ce n'est accessible qu'aux gens riches.

Mais tu peux aussi réfléchir à ce dont tu as besoin pour être heureux et te concentrer sur les choses essentielles. Si tu as besoin de moins de choses, tu n'as plus besoin de beaucoup d'argent. Être écolo ça ne coûte rien, cela dépend de la manière dont tu organises ta vie.