|

INTERVIEW - Potagers en libre-service, maisons écolos... Le fondateur du mouvement des "villes en transition" nous donne les clés pour agir avec sa communauté.

Vous l'avez peut-être découvert dans le documentaire optimiste Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent, qui présente des initiatives pour faire face aux défis environnementaux.

Rob Hopkins est à l'origine du réseau des "villes en transition". Il s'agit d'un mouvement social de communautés qui "imaginent un nouveau monde" après pétrole, et s'attellent à le construire sans attendre que le gouvernement n'agisse à leur place.

Dans plus de 2000 villes à travers le monde, des groupes de citoyens, membres de ce réseau de transition, s'emparent des problématiques globales que sont l'épuisement des ressources fossiles et le changement climatique, et agissent localement pour transformer leur quotidien de façon positive.

Rob Hopkins nous avait déjà raconté comment il imaginait les maisons du futur. Samedi 11 juin 2017, nous l'avons retrouvé au festival parisien We Love Green, où il venait pour raconter son expérience et appeler à l'action.

Vous avez lancé le mouvement des villes en transition à Totnes où vous vivez, en Grande-Bretagne. Qu'est-ce qui a changé dans cette ville ?

Nous avons commencé en 2005, sans savoir si ça allait marcher. L'idée était de répondre au défi du changement climatique de façon immédiate, sans argent et avec peu de personnes.

Il y a maintenant 15 projets différents : nous avons une coopérative de production d'énergie qui compte 500 membres, des jardins sur le modèle des Incroyables Comestibles (des terrains publics transformés en potagers, où chacun peut se servir, ndlr.), une monnaie locale (qui vient en complément de la monnaie nationale, pour favoriser les échanges et les emplois locaux, ndlr.)... Nous avons aussi un grand projet baptisé "maisons en transition" grâce auquel 27 maisons en paille vont être construites.

Les objectifs premiers des villes en transition étaient de répondre au pic pétrolier et au changement climatique, est-ce toujours le cas ?

Je pense que cela va plus loin que ça maintenant. Il s'agit de rendre l'endroit où l'on vit plus résilient, c'est-à-dire capable de s'adapter aux chocs et de voir les changements rapides comme des opportunités. Sur le plan économique, alimentaire, énergétique... mais aussi sur concernant la vie en communauté et au niveau individuel.

Quel rôle joue la culture du Do It Yourself, le faire soi-même, dans ce mouvement ?

La culture du DIY vient du mouvement punk, avec lequel j'ai grandi : si tu n'aimes pas l'industrie musicale, lance ton propre label.

Je pense que cet état d'esprit irrigue le mouvement de la transition. Si tu n'aimes pas la façon dont est produite l'énergie, lance ta propre société de production d'énergie (renouvelable, cela va sans dire ! ndlr.). C'est une idée très responsabilisante.

Est-ce que le mouvement des villes en transition change la façon dont on construit les maisons ?

Le groupe de Totnes est le premier à devenir promoteur immobilier. Mais le principe est le même que pour la nourriture : si elle vient d'une ressource locale, vous rejetez moins de CO2 (avec le transport, ndlr.) et votre argent reste dans la communauté.

On peut l'appliquer à la construction de maison et utiliser des matériaux locaux, de la paille, de la terre, du bois... Ce qui est formidable avec les maisons construites de cette façon, c'est que l'on n'a pas besoin d'être un professionnel pour les construire. C'est une opportunité pour rendre la construction plus démocratique.

La France compte-t-elle beaucoup de groupes engagés dans le mouvement des villes en transition ?

Il y a 150 villes en transition en France. La France a mis plus de temps à démarrer que d'autres pays, les Français aiment bien réfléchir un moment, mais il y a beaucoup de beaux projets maintenant.

Mon exemple préféré est celui d'Hungersheim, en Alsace, où a été tourné le documentaire Qu'est-ce qu'on attend ? de Marie-Monique Robin. Ils ont 21 projets de transition mais le plus enthousiasmant quand on regarde ce film, c'est aussi de découvrir les gens derrière tout ça, la façon dont ils se reconnectent les uns aux autres.

Comment se lancer pour faire de sa ville une ville en transition ?

La meilleure chose à faire est de lire le Guide Essentiel de la Transition, traduit en français, qui est une très bonne introduction. Il y a aussi une carte des villes en transition. Si un groupe existe près de chez vous, vous pouvez les rencontrer et apprendre d'eux.

Beaucoup de projets commencent avec l'aspect alimentaire, parce que l'on n'a pas besoin d'argent pour planter des potagers. Mais tout dépend de ce qui intéresse le plus les gens de votre ville. Votre première ressource, ce sont les gens impliqués.

On ne sait jamais quel impact vont avoir nos actions, mais peut-être que votre idée se retrouvera dans les livres d'histoire de votre ville dans 10 ans !