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DÉCRYPTAGE - Dessiner son logement avec ses futurs voisins n'est plus seulement réservé aux experts de l'autopromotion et à ceux qui ont les moyens de devenir propriétaires.

Article mis à jour le 25 août 2020. 

Les 1er et 2 juin 2016, Strasbourg accueille les journées nationales de l'habitat participatif. L'occasion de (re)découvrir ce mode de vie qui séduit de plus en plus de Français.

Le principe : renverser la logique habituelle selon laquelle un promoteur ou un architecte dessine un projet immobilier clé en main pour ses futurs occupants. Comme son nom l'indique, dans l'habitat participatif, les futurs résidants participent à la conception de leur lieu de vie, puis à sa gestion.

Ils peuvent donc en être les promoteurs, selon le principe de l'autopromotion. Mais il y a une autre dimension essentielle : le partage d'espaces en commun et d'activités entre voisins. C'est pourquoi on parle aussi d'habitat partagé ou groupé.

"Chacun est chez soi dans son logement, mais avec des relations de voisinage importantes et un projet de vie collectif", explique Anne Labit, maîtresse de conférences en sociologie à l'Université d'Orléans et spécialiste de l'habitat participatif.

La sociologue estime à une cinquantaine le nombre de projets réalisés aujourd'hui en France, et à plus de 500 le nombre de groupes qui ont des projets en cours, "même si tous ne se font pas connaître".

Consulter la carte des projets sur le site de Coordin'action, l'union des associations françaises autour de l'habitat participatif.

Anne Labit revient sur ce mouvement qui se développe et sur le profil des gens qui se lancent dans cette aventure. Peut-être vous reconnaîtrez-vous ?

Est-ce qu'il faut être militant pour se lancer dans l'habitat participatif ?

C'est ce qui se passait jusqu'à présent, comme pour toutes les innovations sociales. Traditionnellement, un projet d'habitat participatif part d'un groupe de gens issus de certains cercles alternatifs, écologistes, concernés par l'économie sociale et solidaire.

Mais nous sommes à un moment charnière en France. Ce mode d'habitat se développe, avec des bailleurs et des collectivités qui commencent à initier ce type de projet.

Par exemple, une municipalité qui veut faire un immeuble participatif dans un écoquartier, et qui va chercher le groupe d'habitants. On est sur une nouvelle démarche descendante. (Les villes qui font partie du Réseau National des Collectivités pour l'Habitat Participatif, comme Metz ou Besançon, ont lancé des appels à projets, Ndlr.).

L'habitat participatif est-il accessible à tous, propriétaire comme locataire ?

L'autopromotion est très compliqué, il faut d'énormes compétences. Souvent, il y a des architectes dans le groupe qui monte le projet. Il faut aussi un capital économique, pour pouvoir faire construire et être propriétaire.

Si c'est un bailleur qui initie le projet, il peut proposer du logement social, soit en locatif, soit en accession aidée, avec un plafond de revenu. Cela peut donc concerner d'autres populations, avec des gens qui ne pourraient pas accéder à la propriété libre.

Est-ce que tous les projets d'habitat participatif ont une dimension écologique ?

On retrouve souvent l'idée d'écoconstruction, de bâtiments basse consommation, de partage de voitures ou d'équipements comme les machines à laver. Mais ce n'est pas systématique.

Chaque projet va avoir sa propre dimension, mettre l'accent sur l'écologie, sur le social, le solidaire, ou encore l'intergénérationnel, avec des services que l'on va se rendre entre voisins, comme des petites courses contre de la garde d'enfants.

Un projet met plusieurs années à aboutir, surtout en autopromotion. Un conseil pour le mener à bien ?

Prendre un accompagnateur de projet professionnel. C'est un nouveau métier en train d'émerger. Il va jouer le rôle de médiateur entre le bailleur, le groupe d'habitants, le constructeur, la collectivité... On n'a pas forcément le vocabulaire pour dialoguer avec les professionnels de l'habitat.

L'accompagnateur va aussi aider le groupe à se structurer, à construire une gouvernance qui va respecter tout le monde, gérer les conflits s'il y en a.

Pour trouver un accompagnateur de projet, consulter le RAPH, le réseau des acteurs professionnels de l'habitat participatif.