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PATRIMOINE - Ce coloriste, fondateur de la géographie des couleurs, a répertorié toutes les nuances des façades et des toits des régions françaises.

Une ribambelle de maisons qui déclinent toutes les nuances de la brique dans le Nord. Des tuiles dont les couleurs se mélangent sur un même toit et donnent "une vibration de camaïeu pointilliste aux villes et villages" de Bourgogne...

Dans leur ouvrage Les Couleurs de la France, bientôt réédité par les Éditions du Moniteur, Jean-Philippe et Dominique Lenclos, nous embarquent dans une grande promenade à la découverte d'un patrimoine riche : les couleurs des maisons, si différentes d'une région à l'autre, que ce soit pour les façades, les toitures, ou encore, les encadrements des portes.

Jean-Philippe Lenclos, coloriste et fondateur de la maison de design couleur Atelier 3D, nous raconte d'où vient cette diversité dans les paysages, et pourquoi il est important, à ses yeux, de la préserver.

Pourquoi étudier les couleurs des maisons ?

Ce travail a commencé en 1965 quand je travaillais comme directeur artistique pour une entreprise fabriquant de la peinture pour le bâtiment. Je me suis aperçu qu'il y avait un nuancier de 50 couleurs seulement pour toute la France.

J'ai alors décidé de faire une investigation pour créer un nuancier spécifique à chaque région, en prélevant les matériaux des maisons sur le terrain pour en reproduire les couleurs sur des palettes.

Quel a été l'impact de ce travail ?

L'objectif était de sensibiliser le public, de faire prendre conscience aux acteurs privés et publics que la couleur est une dimension essentielle pour la qualité d'un paysage, et qu'il faut harmoniser la rénovation ou la création d'un nouvel habitat aux traditions de la région en question. C'est ce qui a donné lieu à la définition de "la géographie de la couleur".

Beaucoup de villes et de régions ont ensuite établi des palettes de couleurs locales (comme à Nîmes par exemple, ndlr.). Ma préoccupation est de guider les habitants, en leur donnant le choix entre trois couleurs de façades par exemple. Ainsi, on n'impose pas de façon brutale, mais on donne des orientations pour respecter le patrimoine de la ville.

Comment les couleurs ont-elles été choisies historiquement dans chaque région ?

Dans l'architecture française, les couleurs ne sont pas utilisées pour leur valeur symbolique, à l'exception de l'Alsace, où, jadis, les catholiques peignaient leurs maisons en bleu et les protestants en rouge. Alors que beaucoup d'Irlandais, par exemple, peignent leurs maisons en vert car c'est la couleur de Saint Patrick, le saint patron du pays.

Jusqu'au début du 20e siècle, on construisait avec les matériaux locaux. C'était donc la couleur des matériaux qui donnaient les couleurs des villages. En Bretagne, c'est le granit ; dans les pays de La Loire, le tuffeau ; en Provence, des sables et des terres très pigmentées dans les ocres.

Chaque région a aussi des traditions. Par exemple, si vous êtes dans une ville au bord de la mer, dans le bassin méditerranéen, ou en Bretagne, les couleurs des menuiseries rappellent souvent celles utilisées pour les bateaux de pêcheurs.